La gauche la plus bête du monde ?

Publié le par Henri LOURDOU

La gauche la plus bête du monde ?

 

J'avais attribué dans ma mémoire la célèbre phrase "la droite française est la plus bête du monde et c'est là un des grands drames de la politique actuelle en France" à Léon Blum à l'époque du Front populaire. Or, Il n'en est rien : elle a été prononcée par Guy Mollet à Béthune le 9 décembre 1957, alors que, Président du Conseil, il menait résolument la guerre en Algérie en ayant concédé tout pouvoir à l'armée https://www.lemonde.fr/archives/article/1957/12/10/m-guy-mollet-la-droite-francaise-est-la-plus-bete-du-monde_2337012_1819218.html

Elle n'en prend que plus de relief : c'est au moment où Guy Mollet suicidait la gauche en abandonnant ses valeurs les plus fondamentales (au nom notamment de la défense de la laïcité...) qu'il a éprouvé le besoin de fustiger l'adversaire par cette attaque de diversion...

 

Aujourd'hui, on est en devoir de se poser la question à propos de la gauche.

 

Au moment où la droitisation de l'action gouvernementale ouvre un espace béant à la renaissance d'une gauche à vocation majoritaire, que font les dirigeants des différents partis de gauche ?

Alors qu'ils auraient dû, de longtemps, initier des rencontres et des pourparlers pour construire un programme commun de gouvernement digne de ce nom, ils se déchirent sur la question du bon candidat à la présidentielle de 2022 et s'attachent à définir un petit espace de marché électoral pour leur candidat...

 

Nul doute que ces manoeuvres alimentent un vieux courant bien français, celui de l'anarchisme anti-électoraliste, comme en témoigne l'article suivant relevé sur Facebook :

"Si on attend 2022 pour espérer changer les choses et de se calquer uniquement sur l'agenda électoral qu'on nous impose on sera encore plus déçu et se résigner à ça, c'est signer l'arrêt de mort de tout ce qui s'est construit en si peu de temps et se faire bouffer par une double candidature de la loose : Taubira/Jadot, ou même JLM...d'autant qu'ils n'ont pour le moment aucune chance et que la crise qui arrive après le covid va faire très mal, c'est notre consentement à tout accepter qui est actuellement expérimenté.

A nous de nous imposer pour être force de proposition.

Leur crasse nous donne peut être l'opportunité d'aller nous aussi encore plus loin."

("cerveaux indisponibles", page Facebook "radicale")

Face à tous les sceptiques de l'action électorale, nous devons sans cesse marteler ce message : quelles que soient les réserves que vous inspirent les partis et les candidats aux élections, vous ne pouvez éviter de passer par eux pour obtenir les changements que vous souhaitez. L'action politique partisane et électorale peut être ingrate et difficile, elle n'en demeure pas moins un point de passage obligé dont aucune action directe ne nous dispensera.

Il s'agit bien de construire un projet écologique, démocratique et social européen qui allie pragmatisme et radicalité : là-dessus un consensus général se dessine dans toute la gauche et les écologistes.

Or ce n'est pas le chemin actuellement suivi, comme en témoignent hélas éloquemment les dernières frasques de deux candidats potentiels à la présidentielle de 2022.

Je veux parler de l'auto-candidature de Jean-Luc Mélenchon et des attaques hallucinantes d'Anne Hidalgo contre EELV.

Dans les deux cas, il s'agit de clore son petit espace identitaire au détriment du rassemblement nécessaire pour faire une vraie majorité démocratique.

Arrêtons-nous un peu sur ces deux cas emblématiques.

 

Jean-Luc Mélenchon ou le syndrome de Mitterrand

 

JLM est assurément un orateur talentueux, et il dispose de ce fait d'une popularité qui dépasse celle de son mouvement, comme on a pu le voir lors des dernières élections, comparées aux sondages qui le concernent personnellement.

Il s'est construit un mythe personnel sur le modèle mitterrandien : seule la persévérance paie. Il a fallu 3 candidatures à Mitterrand pour être élu, c'est donc que pour lui aussi la 3e sera la bonne. J'ai déjà analysé ailleurs comment les conditions de ces candidatures ne pouvaient se comparer, et pourquoi la victoire de Mitterrand fut largement une victoire en trompe-l'oeil dont la gauche continue de payer le prix.

Malgré les sondages apparemment flatteurs qui le placent en tête des candidats de gauche potentiels...ceux-ci le placent à 10-12%, ce qui est loin du compte pour espérer être qualifié au 2d tour.

Il n'y a pas en réalité aujourd'hui comme hier d'alternative à un-e candidat-e commun-e de toute la gauche et des écologistes pour espérer sortir d'un nouveau 2d tour Macron-Le Pen. Celle-ci ne peut découler d'une quelconque auto-proclamation, même plébiscitaire, mais de l'existence d'une possible majorité parlementaire plurielle assise sur un vrai programme commun.

 

Anne Hidalgo ou le syndrome de Guy Mollet

 

Il est en réalité assez étonnant de voir Anne Hidalgo enfourcher le cheval identitaire de "la République" absolue pour pouvoir se démarquer des écologistes, accusés de déficit de républicanisme. Qui plus est en énonçant un énorme mensonge qui n'a pas manqué d'être relevé en notre époque de transparence sourcilleuse.

Il s'agit visiblement d'un écart calculé destiné à rassembler derrière elle la vieille garde néo-molletiste des apôtres de la République et de la laïcité dans sa version béatement coloniale et francocentrique. On a pu voir dernièrement comment la mairie de Paris refuse désormais d'assumer son devoir de mise à l'abri des migrants sans-logis en repassant hypocritement le Mistigri à l'État. Qu'en pense Ian Brossat, adjoint au logement PCF d'Hidalgo ? Va-t-on voir sur ce terrain de l'immigration la même alliance honteuse qu'en 1956, lorsque le PCF a voté les pleins pouvoirs à Guy Mollet en Algérie au nom de l'union ?

 

Tout cela est fort inquiétant.

 

Union, action, programme commun !

 

Dans l'un de ses moments de lucidité pré-macroniens, Dany Cohn-Bendit a un jour déclaré que l'élection présidentielle en France rendait tous les politiques fous. On veut bien croire que les deux frasques précédemment évoquées relèvent de cette folie plus ou moins douce.

Ce qui est en jeu dans les mois qui viennent, est le refus des militants de base de les suivre dans leur folie respective, et d'imposer un autre agenda politique !

Publié dans unir les gauches

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