Faut-il brûler la démocratie participative ?

Publié le par Henri LOURDOU

Faut-il brûler la démocratie participative ?

Les conditions pour y accéder (2)

 

Le mensuel "Alternatives économiques" d'avril 2024 rend compte, par un entretien avec sa co-autrice, de l'ouvrage de Manon LOISEL et Nicolas RIO "Pour en finir avec la démocratie participative" (Textuel, 2024).

Sous le titre "La démocratie participative accentue la crise qu'elle prétend résoudre", cet entretien décline en fait une analyse des dérives et abus commis au nom de la "démocratie participative". En cela, il est salutaire et bienvenu.

On le sait bien : toutes les bonnes idées ont vocation à être dénaturées et instrumentalisées.

De quoi s'agit-il ici ?

 

Abus, dérives et biais

 

Le premier abus est d'investir d'une légitimité démocratique TLM (Toujours Les Mêmes) : à savoir ces citoyen·nes toujours disponibles qui ne s'avèrent être qu'une minorité de militants et d'activistes disposant à la fois de temps et de capacité d'expression. Ce qui va à l'encontre du but recherché : donner une voix aux sans-voix.

Le second, qui est en partie le revers du premier, illustré par les deux exemples du Grand Débat National post-Gilets Jaunes et de la Convention Citoyenne sur le Climat, est l'absence d'effets concrets de la "participation" sur les décisions.

Dans le premier cas, basé sur la participation spontanée, la conclusion du pouvoir exécutif est qu'elle conforte sa politique. Dans le second, basé sur le tirage au sort représentatif des métiers, couches sociales et régions, et sur une réflexion au long cours structurée, c'est au contraire l'absence d'application des propositions les plus disruptives qui pose question.

Plus généralement, au niveau local , soit les travaux sont circonscrits à des enjeux mineurs, soit ils ne sont pas pris en compte.

Ce qui, au final, augmente la frustration démocratique qu'il s'agissait de combler.

Le problème est que ce sont les élus qui fixent les règles du jeu : ils préfèrent écouter des experts que de simples citoyens.

De plus, la prétention à "écouter tout le monde" fait l'impasse sur tous les mécanismes de domination , et privilégie de fait tous ceux qui ont déjà un quasi-monopole de la parole.

Enfin, les dispositifs de "démocratie participative" font aussi l'impasse sur le poids des lobbies et de techniciens dont la neutralité n'est que pré-supposée dans la prise de décision des élus.

Tout cela fait beaucoup de biais à prendre en compte et à redresser.

 

Comment les corriger

 

C'est ici que l'analyse de LOISEL et RIO montre ses limites.

En ne proposant comme correctif que l'usage du tirage au sort pour représenter les abstentionnistes aux élections, ils bottent largement en touche en refusant d'affronter de face les difficultés soulevées.

Si leur remède n'est pas à exclure, il ne règlera pas tous les problèmes qu'ils soulèvent.

De plus, il en créerait de nouveaux : en particulier celui de la cohérence des politiques suivies, en raison de la volatilité des majorités dans des assemblées constituées à plus de 50% en certains cas de personnes non engagées dans des partis. Cela nous ramènerait au temps de la démocratie représentative naissante, période d'instabilité politique majeure.

Les réponses à mon sens relèvent davantage de la généralisation institutionnelle des lieux de parole collective au plus près des actes de travail ou de vie sociale, dans des dispositifs de petits groupes homogènes échangeant entre eux dans le cadre d'un projet commun. Ceux-ci restent largement à inventer et expérimenter ainsi que l'ont suggéré les partisans de l'autogestion et qu'a commencé à le théoriser la sociopsychanalyse.

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