Maryse CONDE Ségou

Publié le par Henri LOURDOU

Maryse CONDE Ségou
Maryse CONDE Ségou
Maryse CONDÉ
Ségou
Les murailles de terre
**La terre en miettes
Robert Laffont, 1984, 490 p
Robert Laffont, 1985, puis Pocket n°4339, 1996, réimpression 2003, 430 p.

 

 

Maryse CONDÉ est morte le 2 avril 2024 à 90 ans. C'est l'occasion pour moi de me plonger dans cette série historique qui constitue une sorte l'introduction à l'ouvrage de Taina TERVONEN dont j'ai ici rendu compte, "Les otages", qui portait sur la conquête coloniale française de l'Ouest africain.

Il était surtout question dans TERVONEN du royaume Toucouleur établi par El Hadj Omar dans la vallée du Niger que les Français ont dû réduire pour établir leur pouvoir.

Ici, il s'agit de l'histoire du royaume Bambara établi autour de la ville de Ségou qu'il a conquis vers 1850.

Le récit est centré sur une famille noble, à travers deux générations qui, entre la fin du XVIIIe siècle et le second tiers du XIXe, vont devoir affronter l'arrivée successive de l'Islam et des Français.

Son intérêt est de rétablir à leur juste mesure les préjugés et les hypocrisies des uns et des autres, sans y insister : juste en présentant les actions et les raisons d'agir de chaque personnage.

Roman d'action, il nous amène sur différents lieux attestant tout d'abord que l'Afrique n'a jamais été ce continent fermé qu'ont prétendu les Européens pour lui apporter soi-disant la "Civilisation".

On sait mieux à présent en quoi a consisté cet "apport".

Plus intéressante à mes yeux est la description sans fards de sociétés patriarcales qu'un certain néo-souverainisme africain, justement dénoncé par Achille Mbembé (que Maryse Condé aurait certainement soutenu) dans le dernier n° du magazine "L'Histoire" (n° 518 d'avril 2024, pp 56-57), s'attache à nier en promouvant un virilisme homophobe et en refusant les droits humains universels.

Ici les hommes sont élevés dans une forme d'irresponsabilité et d'immaturité qui a pour pendant le fardeau imposé aux femmes et pour corollaire un sentiment de toute-puissance. On retrouve ici le contresens que j'avais pressenti chez Léonora MIANO, par ailleurs si subtile : la puissance invaincue des femmes africaines est une forme de résistance opiniâtre à ce patriarcat tout-puissant, et non la marque d'une émancipation qui serait déjà acquise. Le féminisme est bien un combat universel.

Donc le combat intersectionnel contre le colonialisme, le capitalisme et le sexisme ne doit pas s'égarer dans la diversion identitaire.

Faut-il ajouter que cette grille de lecture s'applique également à la question de l'esclavage, dont l'évidence est partagée par tous les protagonistes de ce passé, et qui doit être bien évidemment dénoncé partout ?

En tout cas, une lecture agréable et intelligente qui me pousse à découvrir toute l'oeuvre de Maryse CONDE.

Publié dans Europe, Histoire, Immigration

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