Laure NOUALHAT Comment rester écolo sans devenir dépressif

Publié le par Henri LOURDOU

Laure NOUALHAT Comment rester écolo sans devenir dépressif
Laure NOUALHAT
Comment rester écolo sans finir dépressif
Tana Éditions, 2020, Harper Collins poche, octobre 2021, 298 p.

 

 

J'ai lu deux fois ce livre avant d'en rendre compte. Découvert lors du Festival International de Journalisme de Couthures en juillet 22, où son autrice était intervenante dans la table-ronde " Sommes-nous trop nombreux sur Terre ?", je l'avais alors lu d'une traite, puis oublié. Pourquoi ? Je ne l'explique que par la distance que j'ai voulu mettre avec ma propre éco-anxiété...

Une amie étant récemment tombée victime de sa propre éco-anxiété, je l'ai ressorti de ma bibliothèque.

Il est vrai que plus le temps avance, plus nous avons de (bonnes) raisons de devenir éco-anxieux.

L'enquête au long cours de Laure NOUALHAT, ancienne journaliste de la page "Terre" de "Libération" ("en quinze ans de présence j'ai écrit 1 522 articles dans "Libération", dont 90% sur des questions d'environnement." , p 17), qui s'arrête avec la période Covid en 2020, fait le bilan de 15 ans de prise de conscience écologique et de 15 ans de déni collectif, au terme duquel seul le désespoir serait la réponse rationnelle à ce double constat.

Mais en même temps, elle traite des réponses peu à peu apportées à cette situation, que ce soit en terme psychologique ou en terme de réponse concrète aux enjeux.

En se mettant elle-même en scène, elle évite l'effet "donneuse de leçon". En prenant du recul face aux gens très divers qu'elle consulte ou rencontre, elle évite l'effet "chapelle". Son ton humoristique et auto-ironique rend le propos agréable à lire.

Le caractère déjà un peu daté du livre rend les remèdes proposés peut-être en partie incomplets, mais pas obsolètes. J'y reviendrai en conclusion.

 

 

Le livre est très logiquement scindé en deux parties : "tomber en écologie" et "regrimper à la vie".

 

Tomber en écologie : une nécessité déprimante

 

Comme Laure Noualhat, je suis resté longtemps obsédé par tous les signes annonciateurs de la catastrophe aujourd'hui de plus en plus visible : dérèglement climatique, effondrement de la biodiversité, déchaînement des conflits autour de la raréfaction des ressources et de l'essor des inégalités et des réactions fascisantes.

Le caractère systémique et l'origine de tous ces phénomènes négatifs ont fait et font l'objet d'interrogations multipliées avec des réponses d'inégale pertinence qu'il convient de trier avec soin.

Tout cela absorbe beaucoup d'énergie mentale et demande beaucoup d'attention.

 

Tout le monde bien sûr n'a pas une égale disponibilité à se pencher sur cela.

 

Il n'en demeure pas moins que, bon an mal an, la prise de conscience se diffuse, avec des accélérations et des retours de déni (comme en ce moment).

L'éco-anxiété devient un mot commun et un mal communément répandu. Y compris en dehors des milieux étiquetés comme "écolos".

 

 

S'accrocher à la vie : une nécessité remontante

 

La double prise de conscience des enjeux d'une bifurcation nécessaire (et pas une simple et indolore "transition", mot aujourd'hui aussi délétère et menteur que le défunt "développement durable") et de notre impuissance à y pourvoir ne conduit pas nécessairement à l'apathie.

Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir : le remède est aussi simple que cela. Mais cela suppose bien évidemment un certain nombre de remises en cause, d'autant plus acceptables qu'elles peuvent nous ouvrir à une vie meilleure à vivre.

C'est le cas pour pas mal d'éléments de notre mode de vie : habitat, alimentation, déplacements, mais aussi travail. Sortir du consumérisme normé par la publicité peut être énormément satisfaisant et jouissif, tout en nous ôtant de passables contraintes pas toujours conscientes. Ce peut l'être d'autant plus que nous le partageons avec d'autres.

Et ce peut l'être davantage encore si nous en faisons l'objet de mobilisations et d'exigences collectives.

Le tour qu'en fait Laure Noualhat est réjouissant.

Changer nos modes de chauffage et de fournisseur d'électricité, décrocher des écrans, cultiver son jardin et manger moins de viande (voire pas du tout), cuisiner soi-même tout ce qu'on mange, mettre un maximum de vélo et de marche à pied dans ses déplacements, renoncer à des emplois toxiques, tout cela est plus ou moins accessible à la majorité d'entre nous.

Reste cependant le poids de l'urgence, et la dimension planétaire des problèmes. Là réside la limite.

Pour y faire face, voter écolo ne suffit pas non plus (même si c'est nécessaire, je n'en doute pas).

 

Faire face au dilemme de l'urgence écologique

 

S'il y a bien urgence, et que cette urgence augmente chaque jour, il faut bien trouver des moyens d'y faire face.

En ce sens, l'action directe de masse prônée par les Soulèvements de la terre ne peut être écartée. Aucune "non-violence" de principe ne peut être opposée à la nécessité de ces trois formes d'interventions :

  • "le blocage, c'est-à-dire la suspension plus ou moins longue d'une infrastructure responsable du ravage écologique et des flux dont elle dépend. Empêche l'accès à un site industriel, stopper un chantier, rendre muette une bretelle autoroutière.

  • Le désarmement, c'est-à-dire la mise en pièces d'infrastructures ou chantiers qui accélèrent la catastrophe en cours.

  • L'occupation de terres, c'est-à-dire le fait d'investir des zones humides, prairies, forêts ou terres agricoles menacées. Elles peuvent prendre la forme de mises en culture, d'installation s de lieux de vie, de jeux, de production, d'organisation, d'habitations ou de fermes paysannes." ("Premières secousses", p 10)

 

Que ces interventions se fassent en masse et en plein jour, ou par petits groupes anonymes et de nuit, nous ne pouvons qu'en être solidaires. Car un large front de la résistance écologique est la condition indispensable pour conjurer la catastrophe qui s'avance jour après jour....et ne pas sombrer dans la dépression !

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