Collectif mauvaise troupe Constellations

Publié le par Henri LOURDOU

Collectif mauvaise troupe Constellations

Collectif mauvaise troupe

Constellations

Trajectoires révolutionnaires du jeune 21e siècle

Éditions de l'éclat, 2014,

L'éclat-poche n°26, août 2017, 888 p.

 

 

Ce livre est comme un manifeste de la nouvelle génération révolutionnaire éco-anarchiste qui a joué un rôle de premier plan dans la lutte de Notre-Dame-Des-Landes de 2007 à 2017. Il a d'ailleurs été prolongé par trois autres ouvrages en 2016-2017 à ces mêmes éditions : "Contrées -Histoires croisées de la zad de Notre-Dame-des-Landes et de la lutte NO TAV dans le Val Susa", "Défendre la Zad" et "Saisons nouvelles de la Zad".

Sa particularité est d'avoir refusé le jeu médiatique de la personnalisation, en sorte qu'aucun nom n'émerge de ce collectif qui reste rigoureusement anonyme (contrairement au Comité Invisible -le mal nommé- qui le précéda chronologiquement avec l'affaire dite de Tarnac).

J'ai significativement acheté cet ouvrage lors du rassemblement "Les Résistantes" qui s'est tenu du 3 au 6 août sur le Larzac.

C'est en effet l'association "Terre de luttes", émanation légale plus ou moins liée à ce collectif informel (voir dans " Silence", n° 523, été 2023, l'interview de deux de ses fondateurs pp 38-41), qui en fut la co-organisatrice avec la Confédération paysanne et le Collectif des Faucheurs Volontaires.

Ma participation à ces quatre jours d'échanges, entre tables-rondes et ateliers très divers, m'a permis de toucher du doigt à la fois la richesse de ce mouvement radical émergent et ses limites ou ses ambigüités.

Cette confrontation entre des écrits maîtrisés et cet événement non entièrement maîtrisé est un moyen indispensable de faire la part des choses et de mettre en perspective la visée politique sous-jacente.

 

UN NOUVEL HORIZON POLITIQUE ?

 

La nouveauté portée par cette nouvelle génération révolutionnaire est de se vouloir exempte de toute idéologie, et de poser la Révolution comme une question et non une solution.

En cela, elle rompt avec la tradition bolchévik imposée depuis 1917. Une rupture explicitement revendiquée : "La vieille conception héritée du bolchévisme -la révolution comme prise du pouvoir- est battue en brèche depuis des décennies et n'existe même plus comme pôle de tension." (p 14)

Ce qui n'offre pas pour autant d'alternative claire : "Reste que les façons de déposer le pouvoir sans le prendre sont peu référencées, et que l'imaginaire qui se dessine autour est loin d'être saillant et univoque (disons plutôt qu'il est pâle et divers...)." (ibid.)

Une chose cependant est claire : "il n'est plus question de sortir militer, mais bien de partir de là où l'on est, de conjointement "vivre et lutter", dans une tension jamais résolue." (p 15)

Cette nouvelle génération révolutionnaire ne conçoit pas de séparation entre le "dire" et le "faire" : il s'agit bien de nouveau, comme certains d'entre nous le tentèrent dans les années 70, de "vivre ce que nous voulons changer". Cette volonté de cohérence est a priori très sympathique.

Reste juste à vérifier à la fois sa réalité et son caractère praticable.

Sans vouloir jouer les grand-pères donneurs de leçon, on remarquera tout de même que tous les précédents historiques, dont le nôtre, montrent clairement le caractère épuisant de la tension évoquée, et donc la difficulté d'en tenir les deux termes sur la durée : entre vivre et lutter, il faut, hélas, souvent choisir de faire des compromis.

Il m'apparaît ainsi que la révolution demeure, au terme des expériences rapportées, et ici aussi, une question.

Et qu'en conséquence, pour ceux qui sont en quête de réponses, dont je suis, l'hypothèse réformiste reste la plus valable pour qui veut voir, comme le disait si justement Gérard Mendel, "le bout de ses actes."

Cette hypothèse réformiste pose bien sûr certaines questions, auxquelles je me suis efforcé de répondre dans ce blog : elle suppose en particulier participation aux élections et défen e intransigeante de l'Etat de droit. Mais elle ne saurait être écartée cavalièrement.

 

DES EXPÉRIENCES ET DES PRATIQUES À INTÉGRER

 

Cela n'invalide pas pour autant l'intérêt des pratiques et expériences ici rapportées. Elles sont regroupées en huit "constellations" qui donnent son titre au livre : "désertion", "savoir-faire", "fêtes sauvages", "imaginaire", "habiter", "hackers vaillants"(numérique), "intervenir" (rapport aux mouvements sociaux), "s'organiser sans organisations". Elles sont accompagnées de synthèses chronologiques sous forme de "trajectoires politiques" découpées en quatre séquences : 1999-2003, 2003-2007, 2007-2010 et 2010-2013.

Mais cela en trace les limites. Ces pratiques -très minoritaires de par leur radicalité- sont appelées à rester minoritaires. Ce qui interroge leur rapport à la majorité et à la dynamique d'ensemble de nos sociétés.

Ces nouvelles radicalités ont donc vocation, de mon point de vue, à féconder un mouvement majoritaire de changement orienté dans le sens de l'émancipation des opprimés et de la sauvegarde du vivant.

À ce titre, elles font figure de sujets de réflexion et de boîtes à outils : leur "récupération", loin de relever de la perversion à dénoncer systématiquement , est une nécessité pour sauver la gauche et les écologistes de la sclérose et de la timidité programmatiques.

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