Pourquoi tant de haine ?

Publié le par Henri LOURDOU

Pourquoi tant de haine ?

Crise de l'autorité, émancipation et démocratie sous anesthésie

 

Les temps sont difficiles ? En fait, c'est la compréhension de ce qui se passe qui l'est. D'où la prolifération des explications les plus contradictoires, et de la haine née de la panique, elle-même née de l'incompréhension.

 

La prise de parole des femmes humiliées et offensées : un moment de l'émancipation

 

Ce vaste mouvement qui a surpris tout le monde est un des effets de la crise de l'autorité, ce principe familialiste qui assignait un rôle social inférieur à tout ceux qui ne pouvaient se prévaloir de la place de Père. Cela avait commencé dans les années 60 par la révolte de la jeunesse, et cela s'est poursuivi par celle des femmes qui connaît aujourd'hui un nouveau prolongement avec la dénonciation collective des violences sexuelles subies au quotidien.

Ce pas en avant dans l'émancipation est, comme les précédents, un progrès vers l'égalité réelle des droits. Il va de pair avec l'émancipation des stéréotypes de genre, issus de la tradition autoritaire en déroute, dont les hommes sont eux-mêmes victimes lorsqu'ils acceptent de les reproduire de façon acritique. On regrette à cet égard le combat d'arrière-garde d'une certaine psychanalyse d'obédience le plus souvent lacanienne. Et on rappelle que nul complot n'explique la prise à partie de certaines personnalités : ni DSK hier, ni Tariq Ramadan aujourd'hui, n'en sont victimes. Ils doivent comme les autres assumer la responsabilité de leurs actes, quoi qu'il en coûte de remise en cause à leurs admirateurs respectifs.

 

La haine identitaire : une réaction de déni à la crise de l'autorité

 

Face à ces progrès de l'émancipation, dont procède également le mouvement LGBTQI qui rend aux individus le libre choix de leur identité de genre, le repli sur les identités anciennes de la tradition autoritaire (machiste-patriarcale, ethno-nationale, religieuse, idéologique) constitue un moyen de "défense", au sens psychanalytique de déni. La recherche de gourous ou de leaders charismatiques va dans le même sens d'un "entre-soi" sécurisant.

Mais la fragilité de ces identifications s'accompagne d'une montée des pulsions de haine pour tous ceux qui s'affirment comme différents. Cela relève d'une forme de panique née de l'incompréhension : si je n'ai pas entièrement raison, alors tout s'effondre, autour de moi, et en moi.

D'où certains passages à l'acte violents, dont les attentats terroristes font partie.

Ce mouvement général est loin de se limiter au djihadisme armé sur lequel on aurait tort de se focaliser de façon exclusive.

Or il est le plus spectaculaire, et donc le plus commenté.

Et pourtant l'on commence à voir que d'autres mouvements, bien que parallèles, vont dans le même sens : des démocraties "illibérales" de Pologne, Hongrie ou Tchéquie (et bientôt Autriche ?) au "démocratures" de Russie, Turquie, Inde, un puissant courant de régression des droits humains est en train de déferler sur le monde.

Cette"grande régression" s'appuie toujours sur un discours mono-identitaire et exclusif.

 

La démocratie sous anesthésie

 

Face à ce double phénomène d'émancipation de l'autorité et de réaction identitaire, le principal agent dissolvant, le capital et sa dynamique productiviste-consumériste, constitue un troisième terme. Il a pour lui la force propulsive du désir d'acquérir, mais contre lui une profonde myopie quant à ses effets sur le monde commun. Et cela commence un peu à se voir.

D'où une autre stratégie de "défense" (toujours au sens de déni) de la part des défenseurs du capitalisme : celui de la mise "sous anesthésie" de la démocratie à travers une véritable société de surveillance, sous la direction verticale et jupitérienne d'un leader élu. Celui-ci peut être brillant et hypocrite, comme le président Macron, ou provocateur et brouillon, comme le président Trump, mais la politique est substantiellement la même.

A savoir un recul sans précédent des libertés individuelles, en particulier en matière de migrations, et une latitude supplémentaire donnée aux plus riches alors que les plus pauvres sont soumis à toujours plus de contrôle et de restrictions.

 

 

Pour le moment, réaction identitaire et réaction capitaliste-sécuritaire semblent avoir le vent en poupe.

Mais la prise de parole des femmes, et son audience dans la société, sont le signe que l'émancipation chemine souterrainement. De la même façon, la prise de conscience des dégâts du capitalisme progresse à grands pas.

Il ne reste qu'à faire converger toutes ces forces pour construire l'alternative à la réaction. Gardons bon espoir, et mettons-nous au travail.

 

 

 

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