Pourquoi défendre l'Etat de droit

Publié le par Henri LOURDOU

POURQUOI TANT DE HAINE (2)

SÉCURITÉ ET FANTASMES

 

Deux "brèves" du "Monde" du 9-11-17 (p 17) :

 

TERRORISME

Dix interpellations en France et en Suisse

Neuf hommes et une femme âgés de 18 à 65 ans ont été interpellés, mardi 7 novembre, en France et en Suisse, dans le cadre d'une opération anti-terroriste en lien avec l'arrestation, cet été, d'un adolescent de 13 ans soupçonné de préparer une attaque au couteau en France. Les suspects participaient à un groupe de discussion de la messagerie cryptée Telegram où ils tenaient des propos islamistes "inquiétants". Certains étaient connus des services de renseignement, dont deux frères "suivis pour radicalisation". Aucune arme n'a été retrouvée au cours des perquisitions en France. - (AFP.)

 

DÉLINQUANCE

Baisse des braquages en France

Selon une étude de l'Observatoire national de la délinquance et de la répression pénale (ONDRP), parue mercredi 8 novembre, le nombre de vols à main armée diminue année après année. En 2016, la police et la gendarmerie ont recensé 2 900 vols à main armée en métropole, soit une baisse de 24% en un an. En remontant à 2009, l'ONDRP constate une baisse de 60%, "soit l'équivalent d'environ 4 000 victimes de moins." - (AFP.)

 

 

La publication de ces deux brèves qui se suivent n'est pas innocente. Leur mise en relation pose brutalement la question : de quelle sécurité, ou droit à la sécurité, nous prévalons-nous ?

 

La première "brève" évoque bien sûr le nouveau risque terroriste. Celui-ci a la particularité de pouvoir frapper n'importe qui, n'importe quand. Il est donc particulièrement anxiogène. Mais la peur écarte-t-elle le danger ? On peut comme ici multiplier les mesures "préventives" sur la foi d'une surveillance accrue : d'une part, cette paranoïa multiplie les suspects au risque d'accentuer leur "radicalisation" supposée et leur méfiance ("puisque je suis suspect, je vais effectivement me conduire comme un suspect, en dissimulant mes pensées et mes intentions"); d'autre part, toutes les mesures de surveillance n'empêcheront jamais la totalité des passages à l'acte, ils les rendront aussi plus erratiques et aléatoires.

La seconde met en évidence un fait peu remarqué : la violence recule dans notre société. Il est à mettre en relation avec l'intolérance nouvelle qui se manifeste face aux violences sexuelles exercées sur les femmes. La prise de parole massive qui vient de s'effectuer après l'affaire Weinstein n'aurait pas eu de portée s'il n'y avait pas eu une écoute collective de la part des hommes en nombre suffisant pour qu'elle passe le mur habituel de l'indifférence.

 

Ce besoin collectif de non-violence est précieux. Mais il est fragile.

 

Il ne garantit pas en lui-même le recul effectif de la violence.

En effet, il s'accompagne de "bouc-émissarisation" et de nouveaux dénis de violence s'exerçant sur les "bouc-émissaires" tenus à distance de notre sensibilité. Ici les "suspects" d'intentions terroristes et la façon dont ils ont été vraisemblablement traités. Il faut faire l'effort d'imaginer notre réaction si, après nous être occasionnellement "lâchés" dans un moment de colère lors d'échanges sur une messagerie privée, nous avions vu débarquer chez nous des hommes armés et en uniforme pour nous amener en garde à vue, et notre logement fouillé intégralement... Et surtout, si cela n'arrivait qu'à nous, alors que d'autres ...

 

Car, faut-il l'ajouter, il n'est pas unanimement partagé. Les manifestations de haine parallèlement se développent chez toutes les personnes qui se sentent atteintes dans leur identité jusque-là inentamée. L'expression de la haine se diffuse aujourd'hui beaucoup plus facilement qu'autrefois, et cette expression cumulée a des effets sur le passage à l'acte de quelques personnes.

 

L'État de droit disparaît-il au profit de l'État de surveillance ?

 

Un second aspect de cette intolérance nouvelle à la violence est le recul du "droit à la sûreté", c'est à dire à la garantie contre l'arbitraire du Pouvoir, au profit d'un "droit à la sécurité" qui prend le pas sur tout.

Sa traduction juridique est l'accumulation de lois qui dessaisissent de plus en plus le juge "judiciaire" (indépendant du pouvoir politique selon la vieille théorie libérale de la "séparation des pouvoirs") au profit de l'autorité administrative soumise au gouvernement.

Sa traduction politique est le fait de traiter tout immigrant et tout musulman en "suspects", et de multiplier les mesures de contrôle, de surveillance, et d'expulsion ou de rejet et de mise à l'écart.

L'Histoire nous montre hélas qu'il s'agit-là de prémisses habituels à des mesures plus radicales, justifiées par la haine et le mépris ainsi créées et développées.

C'est pourquoi il faut défendre de façon intransigeante l'Etat de droit et les libertés individuelles pour tous.tes. Car il n'est jamais trop tard.

 

Cette note s'appuie sur les lectures suivantes :

-Le petit livre "État d'urgence démocratique" (coordonné par Marie GRILLON et Hugo TOUZET), août 2016, 132 p, Éditions du Croquant.

-Le dossier "Lois antiterroristes : de quel Droit ?" du supplément "idées" du "Monde" du 14-10-17 (p 1 à 4)

-Le n° 176 du "Un" du 31-10-17 sur le thème : "Sécurité, liberté, égalité, fraternité".

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