Alasdair GRAY Pauvres créatures

Publié le par Henri LOURDOU

Alasdair GRAY Pauvres créatures
Alasdair GRAY Pauvres créatures
Alasdair GRAY
Pauvres créatures
Épisodes de la jeunesse du docteur
Archibald McCANDLESS
officier de santé publique écossais
édité par Alasdair GRAY
Traduit de l'anglais (Écosse) par Jean PAVANS
1e édition en anglais 1992,
éditions en français, Payot 1993, Métailié 2004
réimpression octobre 2023, 286 p.

 

 

Bien sûr, j'ai découvert le livre à partir du film épatant qu'en a tiré Yórgos LÁNTHIMOS.

Celui-ci a réduit son propos à ce qui constitue le coeur du livre : le récit fabuleux d'Archibald. Il en a donc fait un récit réjouissant d'émancipation féministe à l'époque victorienne, puissamment incarné par Emma STONE.

Mais le livre est bien sûr plus riche et subtil que cela, puisqu'il contient une lettre rectificative de Bella-Victoria McCANDLESS qui bat en brèche et relativise le côté gothique-fantastique du récit en le réinsérant dans l'Histoire réelle, et des "notes critiques et historiques" d'Alasdair GRAY la complétant.

Ainsi Bella-Victoria nous est présentée comme un médecin progressiste, affilié au courant fabien du socialisme britannique. Un courant d'intellectuels réformistes très présent au début du XXe siècle dans la vie culturelle du Royaume Uni.

Féministe et pacifiste, elle date significativement sa lettre à ses éventuels descendants de 1974 du 1er août 1914. Et elle la termine ainsi : "Les dirigeants ouvriers et syndicaux se sont mis d'accord pour provoquer une grève générale si leurs gouvernements déclarent la guerre. J'espère presque que nos dirigeants militaires et capitalistes déclareront la guerre ! Si la classe ouvrière y met aussitôt fin par des moyens pacifiques, alors le contrôle moral et pratique des grandes nations industrielles passera des possédants aux producteurs , et le monde où TU vivras, cher enfant du futur, sera un endroit plus heureux et plus sensé." (p 243)

Dans ses "notes critiques et historiques" Alasdair GRAY explicite le traumatisme qu'a constitué pour toute cette génération d'idéalistes humanitaires le premier conflit mondial.

Ainsi, il fait interviewer Bella-Victoria par un journaliste du Daily Express en 1925. "Il lui demanda s'il s'était produit dans sa vie quelque chose qu'elle regrettait sincèrement. Elle répondit "La Grande Guerre". Il lui dit qu'elle l'avait mal compris – il voulait parler de quelque chose dont elle se sentait personnellement responsable. Elle répéta "La Grande Guerre"." (pp 280-1)

 

A l'heure où la guerre frappe à nouveau à la porte de l'Europe, ce rappel historique est pour moi hautement significatif.

Il pose à nouveau la question des moyens d'éviter la guerre, à laquelle Bella-Victoria, qui a perdu deux de ses trois fils dans cette Grande Guerre, apporte la réponse sous forme de livre d'un appel à révolutionner l'éducation amoureuse et à limiter les naissances (pp 274-5).

 

Réponse bien sûr dérisoire à une question qui reste pertinente.

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