Artem CHAPEYE Les gens ordinaires ne portent pas de mitraillette

Publié le par Henri LOURDOU

Artem CHAPEYE Les gens ordinaires ne portent pas de mitraillette
Artem CHAPEYE Les gens ordinaires ne portent pas de mitraillette
Deux ans après : l'Ukraine traumatisée et résistante
dans un monde transfiguré par la guerre.
Artem CHAPEYE
Les gens ordinaires ne portent pas de mitraillette
2023, traduit de l'ukrainien par Iryna DMYTRYCHYN, BAYARD récits, janvier 2024, 116 p.

L'Ukraine résistante...

Le récit d'Artem CHAPEYE, écrivain de gauche, féministe, pacifiste et antinationaliste, marié et père de deux enfants de 7 et 9 ans, engagé volontaire dans l'armée ukrainienne au lendemain de l'invasion à grande échelle du 24 février 2022 est un témoignage sincère et éclairant sur ce qui s'est joué ce jour-là et continue aujourd'hui de porter ce qu'il faut bien appeler la Résistance ukrainienne.

Il montre bien à la fois la mobilisation spontanée d'une grande partie de la société ukrainienne, et la césure qui s'est peu à peu créée entre ceux qui ont rejoint la Résistance armée, et ceux qui, pour des raisons diverses, qu'Artem CHAPEYE admet pour certaines d'entre elles, se sont abstenus. C'est l'éternel fossé qui se creuse dans toute guerre entre "le front" et "l'arrière".

Au passage, il interpelle certains Occidentaux de gauche, comme Noam CHOMSKY, ou du Sud global sur leur "pacifisme abstrait" qui fait parfois des USA et de l'Otan le seul principe explicatif de tous les conflits dans le monde.

Enfin, il rend compte des sentiments de fraternité et de culpabilité qui accompagnent cette résistance, tout en soulignant, à juste titre son enjeu européen et mondial. Car les Ukrainiens se battent pour leur liberté et la nôtre. Notre soutien ne peut que leur être acquis.

...mais traumatisée

Dans "Le Monde" daté 23-2-24, un article de fond évoque le traumatisme collectif subi par la société ukrainienne après deux ans d'agression à grande échelle de la part du régime de Poutine.

Il utilise ce concept aujourd'hui courant de Syndrome de Stress Post-traumatique (SSPT, en anglais PTSD : Post-Traumatic Stress Disorder) à propos des civils. Un syndrome longtemps sous-estimé et souvent encore perçu comme ne concernant que les militaires.

Or, les témoignages recueillis montrent très clairement que tant les bombardements massifs que les mauvais traitements infligés par les troupes occupantes ont bien traumatisé les civils de façon très largement partagée.

La prise en compte de ce fait repose sur le dépassement de la sous-estimation des problèmes de santé mentale par la population, et de l'héritage soviétique époque à laquelle ce sont les prisonniers politiques que l'on envoyait dans les hôpitaux psychiatriques.

 

Ce phénomène n'est pas propre bien sûr à ce conflit. Et l'on pense à la situation proche-orientale actuelle et ses répercussions en France.

 

Violences et syndrome de stress post-traumatique (SSPT) : une reconnaissance bienvenue mais inégale.

 

Un intéressant article du supplément "science & médecine" du "Monde" du 29-11-23 montre que ce phénomène est enfin pris à sa juste mesure par les autorités publiques, ainsi que le montre le lien suivant :

https://www.gouvernement.fr/guide-victimes/cellules-d-urgence-medico-psychologique-cump

 

Celui-ci fait une brève mise au point sur ce syndrome consécutif à un événement violent :

"Dans les jours, les semaines ou les mois qui suivent, des troubles peuvent apparaitre : angoisses, sentiment de malaise ou d’insécurité, irritabilité, troubles du sommeil et dépression. Des pensées, des sensations, des images ou des sons pénibles de l’évènement peuvent ressurgir et s’imposer jour et nuit rendant difficile la vie familiale et professionnelle et avoir des conséquences sur la santé.

 

Les adultes de tous âges, comme les adolescents et les enfants peuvent être concernés et présenter des modifications du comportement, des peurs, des difficultés à s’endormir ou à se concentrer au travail ou à l’école."

Rappelons également que, non traité rapidement, il peut déboucher sur un double phénomène de refoulement : refoulement de l'événement, mais surtout refoulement de la sensibilité et de l'empathie associé à une violence compulsive. Ce dernier n'est pas le cas le plus fréquent, fort heureusement, mais il peut avoir des conséquences dramatiques. Notamment s'il est porté et promu par une idéologie de vengeance.

 

Ce lien signale l'existence de cellules d'urgence médico-psychologiques (Cump) dans chaque département, rattachée sau Samu et joignables en théorie par téléphone via le 15 (depuis un téléphone fixe) ou le 112 (depuis un téléphone portable).

Un lien vers les associations nous amène à celui du Réseau France-victimes qui a un correspondant au moins par département.

Même minime, c'est une reconnaissance publique montrant une prise de conscience de l'importance de ce phénomène trop longtemps négligé.

 

Force est cependant de remarquer que cette prise de conscience est inégalement partagée, si l'on en croit cet article qui fait état du dispositif mis en place dans la communauté juive suite aux massacres du 7 octobre, mais n'évoque rien de tel côté palestinien ou arabe, suite aux bombardements massifs de Gaza consécutifs à ces massacres.

On peine à croire que les SSPT n'existent que d'un côté. Comme si la violence glissait sur les uns sans les affecter, alors qu'elle traumatise les autres.

Cette absence de prise en compte interroge en raison de la persistance de la mentalité traditionnelle viriliste et du victimisme à tonalité paranoïaque qui l'accompagne. C'est très certainement un facteur du développement de l'antisémitisme dans une partie de la communauté arabophone et musulmane.

Loin de susciter une forme de sentiment de supériorité ou de condescendance, cela devrait plutôt appeler au devoir de solidarité envers nos compatriotes musulmans affectés par ces événements.

De ce point de vue, on ne peut que se féliciter de la double cérémonie officielle organisée par l'État pour rendre hommage à la mémoire des victimes de nationalité française des deux côtés : celles du 7 octobre côté israélien, et celles des bombardements postérieurs côté palestinien.

Car il en va de la sortie des comportements violents issus de ce SSPT, à présents bien analysé et documenté.

Cela devrait s'accompagner d'une pression diplomatique maximale pour l'arrêt des bombardements, la mise en place d'une aide humanitaire à la hauteur des besoins et la restitution des otages dans un premier temps.

Publié dans Europe, Histoire, Immigration

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