Andreï KOZOVOÏ La chute de l'Union soviétique - Vera POLITKOVSKAÏA Une mère

Publié le par Henri LOURDOU

Andreï KOZOVOÏ La chute de l'Union soviétique - Vera POLITKOVSKAÏA Une mère
Andreï KOZOVOÏ La chute de l'Union soviétique - Vera POLITKOVSKAÏA Une mère
Andreï KOZOVOÏ
La chute de l'Union soviétique
1982-1991...2023
Tempus n°912, éditions Perrin, mars 2023, 462 p.
Vera POLITKOVSKAÏA
avec Sara GIUDICE
Une mère
Traduction de Marc LESAGE
Fayard, septembre 2023, 192 p.

 

 

Ces deux ouvrages se complètent bien. Le premier, d'un historien français d'origine russe (né en 1975 et élevé en URSS jusqu'à l'émigration de sa famille en 1985), le second de la fille d'Anna Politkovskaïa, née en 1980, journaliste comme sa mère (assassinée en 2006), et émigrée en Italie après le début de l'agression ouverte contre l'Ukraine en 2022.

 

Un rappel salutaire des conditions de la chute de l'URSS

 

La minutieuse chronologie établie par KOZOVOÏ à partir de la mort de Léonid BREJNEV en novembre 1982 nous rappelle une période aujourd'hui trop oubliée. Celle de la crise économique et morale profonde qui avait envahi l'URSS durant ces années.

Au-delà, KOZOVOÏ établit les caractéristiques du régime qui expliquent cette crise : la monopolisation des ressources par le complexe militaro-industriel, le caractère policier et culturellement étroit de l'appareil d'Etat phagocyté par le Parti, l'irresponsabilisation et la corruption généralisés.

Les minces "acquis sociaux" par lesquels il a longtemps cherché à se garantir la non-révolte, à défaut de l'adhésion, du peuple ne suffisent plus, dans les années 70, à garantir la paix sociale.

Sur ce fonds de désaveu implicite se réveillent les aspirations à la dignité nationale des périphéries, rétives à la russification sous couvert de construction d'un "peuple soviétique" fictif.

Ce colonialisme russe non revendiqué abuse jusqu'au sommet de l'État des réformateurs conscients de la "stagnation". Ainsi un Gorbatchev ne comprendra jamais les revendications d'indépendance des pays baltes et des autres républiques "fédérées"...

Dans les tentatives de réforme de ce système non viable, initiées dès la mort de Brejnev par son premier successeur Youri ANDROPOV, les demi-mesures ne font que faire apparaître davantage les contradictions.

Malgré une communication positive en direction de l'Occident avec l'arrivée au pouvoir d'un GORBATCHEV qui devient une véritable icône mondiale, ces contradictions ne sont pas pour autant affrontées ni surmontées.

Aussi celui-ci doit assumer sa part de responsabilité historique dans un effondrement qui s'est passé dans les pires conditions de confusion politique.

En refusant pratiquement jusqu'au bout de renoncer au monopole du Parti, il a obéré les chances d'un pluripartisme réussi. En refusant jusqu'au bout d'assumer la décolonisation des Républiques périphériques, il a attisé le ressentiment nationaliste et accentué la situation précaire des colons russes . En refusant d'aller complètement dans une économie de marché, il a radicalisé les conditions de la rupture avec l'économie administrée.

On ne doit pas s'étonner après cela de la sidération et du traumatisme qui ont accompagné la chute finale de l'URSS, et de la violence qui l'a accompagnée. Une violence qui vient après bien d'autres épisodes violents de l'histoire de l'URSS...

 

Dès lors, la réaction poutinienne apparaît comme une tentative désespérée de retour impossible à l'Empire : la décolonisation est irréversible et poursuivra son cours; de même que la démocratisation et la libéralisation. La seule question étant le temps et les modalités que cela prendra.

 

L'exil des intellectuels russes

 

Pour le moment, malgré le courage de quelques figures tutélaires comme Oleg ORLOV ou Ilia IACHINE, la plupart des intellectuels libéraux ont choisi l'exil depuis le 24 février 2022. C'est le cas de Vera POLITKOVSKAÏA, particulièrement ciblée en raison de son nom et de sa filiation : "Après le 24 février 2022, notre nom a retrouvé son poids, il a de nouveau été la cible de menaces de mort. Et cette fois, c'était ma fille adolescente qui était visée. Lorsque le conflit s'est invité dans les discussions en classe, ses camarades se sont déchaînés contre elle, sans retenue." (p 9)

Fuyant du jour au lendemain Moscou, avec toute sa famille, Vera installée en Italie décide d'écrire ce livre "pour rappeler la leçon qu'Anna Politkovskaïa nous a laissée. Soyez courageux, appelez toujours un chat, un chat. Et un dictateur, un dictateur." (ibid)

 

Ce recueil de souvenirs intimes, accompagnés de photos, sur ses parents est aussi par le fait-même un recueil de souvenirs politiques. Car l'engagement journalistique d'Anna Politkovskaïa fut un engagement total qui ne pouvait que déborder sur la sphère politique.

Il s'accompagne bien évidemment de réflexions et informations sur la situation présente.

Il commence à répondre au voeu de la traductrice Galia Ackerman dans son discours d'hommage de novembre 2021 souhaitant l'écriture d'une biographie d'Anna .

 

 

 

 

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