De la transition à la bifurcation écologique

Publié le par Henri LOURDOU

De la transition à la bifurcation écologique
De la transition à la bifurcation écologique
De la transition à la bifurcation écologique

 

Les mots sont importants. De la même façon que nous avions abandonné l'expression "développement durable", effroyablement perverti par le mythe de la "croissance verte", pour parler d'un monde décroissant, sans croissance ou post-croissance, nous sommes amenés aujourd'hui, non plus par la perversion des fossoyeurs de la planète, mais tout simplement par l'urgence de la situation à abandonner la "transition écologique" pour parler de "bifurcation écologique".

 

Les algues vertes : un productivisme dans l'impasse

 

Cette urgence reste encore trop largement un objet de déni. C'est ce que montre le film "Les algues vertes" à propos de l'élevage intensif en Bretagne et de ses multiples méfaits, sanitaires, environnementaux mais aussi sociaux et politiques. Un article du "Monde" nous avait alerté sur le véritable rôle de libération de la parole que la sortie du film a provoqué dans cette région, placée sous la pression du lobby agro-industriel. Ceci après le succès éditorial de la BD qui a inspiré le film.

Celui-ci est clair et précis : il montre bien l'ambivalence des personnes et des situations, sans effets caricaturaux. Et la violence qui découle d'une situation subie plus que portée par ses protagonistes. Les discours sur la vocation nourricière et exportatrice au service du rayonnement français apparaissent bien dérisoires au regard des conditions subies par éleveurs et habitants...et de la qualité des produits de cette économie que l'on n'ose plus qualifier de moderne.

 

Sabotage : la tentation de l'action terroriste

 

Le film "Sabotage" est le récit fictif du sabotage non-violent (les auteurs ont pris soin de couper l'alimentation du tuyau avant de le faire sauter) d'un pipe-line au Texas. Librement inspiré du pamphlet du suédois Andrèas Malm "Comment saboter un pipe-line", ce récit réunit une palette d'activistes aux origines et motivations diverses. Il alterne d'ailleurs leur présentation par des flash-backs centrés sur chacun d'eux avec le récit, très stressant, du déroulement de l'action.

Cela va des étudiants radicaux, dont certains ont vécu leur enfance près d'une raffinerie en Californie, ce qui a gravement affecté leur santé, au paysan texan exproprié pour le passage d'un pipe-line, en passant par l'activiste indien du Dakota du Nord dont les terres ancestrales ont été confisquée pour la même raison.

L'idée est de rompre avec l'action impuissante de plaidoyer pour l'arrêt des investissements dans les combustibles fossiles en créant un climat de panique provoquant une hausse insoutenable du prix du pétrole. Stratégie très aléatoire, mais qui s'appuie sur de réelles frustrations face à l'urgence qui se renforce de jour en jour.

 

Bifurcation : la révolution tranquille des jardiniers ?

 

Avec l'octogénaire Gilles Clément, dont je n'ai pu voir le film (qui passait en même temps que "Sabotage", dont je n'ai pas voulu loupe rla dernière séance, après avoir raté celle de "Paradis"), mais que j'ai écouté le lendemain lors d'une conférence au Big Bag de Bagnères sur le thème "Jardiner c'est résister", nous revenons au réel.

Paysagiste et praticien-théoricien du jardin en mouvement, Gilles Clément tient un discours à la fois radical et optimiste. Car il a le sentiment que la "bifurcation" nécessaire est enfin prise en compte par les nouvelles générations, partout dans le monde. Symbole de cela, le mouvement des bifurqueurs parmi les nouveaux diplômés des Grandes Écoles françaises qui désertent leur avenir tout tracé pour revenir vers la terre. Je dirais que cet optimisme relève d'un effet générationnel : Gilles Clément a connu la longue période de déni généralisé où les écolos étaient considérés comme des farfelus. Il peut donc considérer à bon droit que les choses ont bien avancé. Mais si l'on prend le point de vue des jeunes générations, elles considèreront à tout aussi bon droit que l'urgence n'est pas traitée à la hauteur qu'il faudrait.

Quoi qu'il en soit ils sont tous d'accord pour parler aujourd'hui de bifurcation : l'heure n'est plus aux discours et aux effets d'annonce, mais à l'action, à tous les niveaux, pour modifier radicalement nos modes de vie. La tenue généralisée d'un jardin vivrier non chimique en fait partie.

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