George Séguy, Mai 68 et les secrets du Parti

Publié le par Henri LOURDOU

George Séguy, Mai 68 et les secrets du Parti

Persistance du stalinisme

Georges SÉGUY, Mai 68

et les "secrets du Parti".

"Ce que la vie m' a appris"

Éditions de l'Atelier, septembre 2017, 206 p,

Préface de Bernard THIBAULT.

 

 

C'est d'abord le titre de ce livre, qui évoque celui d'un autre syndicaliste, Angel PESTAÑA, qui m'a retenu l'oeil. Puis la personnalité bien sûr de Georges SÉGUY, un leader qui a tenté de faire évoluer la CGT dans le sens de l'ouverture, symbolisée par le congrès confédéral de Genoble en 1978, avec un passé héroïque de jeune résistant, déporté à 17 ans à Mauthausen.

Je me souviens de l'imprimerie Lion, rue Lakanal, près du lycée Fermat à Toulouse, qui existait encore lorsque j'y étais interne au début des années 70. C'est là que Séguy s'est fait arrêter alors qu'il était apprenti typographe avec l'ensemble du personnel qui travaillait pour "l'ensemble des organisations de Résistance" (p 21).

Georges Séguy est a priori quelqu'un de sympathique dont le nom reste associé à la tentative d'émancipation de la CGT de la tutelle du PCF.

Cependant, il est resté un militant communiste marqué par la culture de son parti. C'est ce qui apparaît pleinement dans la façon convenue dont il rend compte des négociations de Grenelle en Mai 1968 (pp 120-121). Or nous avons un autre témoin, qui les accompagnait, lui, Benoît Frachon et Henri Krasucki, au nom de la CGT. Il s'agit de Jean-Louis Moynot, qui , lui, nous donne un tout autre son de cloche. Loin d'incriminer la CFDT, comme le fait Georges Séguy, sur la non-obtention de l'abrogation des ordonnances de 1967 mettant la Sécurité sociale sous la tutelle de l'Etat, il met en cause le BP du PCF de la façon suivante : le BP du PCF a bel et bien sabordé une avancée revendicative possible en poussant à l'accélération de la conclusion du "relevé de négociations " qui aurait pu comporter, avec une séance de plus, le retour à l'élection des CA des caisses de Sécurité sociale, abolie par les ordonnances de 1967. Et cela par crainte d'une récupération politique du mouvement par la FGDS à l'occasion du meeting de Charléty organisé par le PSU, l'Unef et la CFDT. Moynot est catégorique et circonstancié sur sa relation des faits.

Il s'agit-là , typiquement, d'un de ces "secrets du Parti", qu'il convient de soigneusement préserver jusqu'à la tombe quand on est un bon communiste.

Et même lorsque, comme Séguy, on a été poussé vers la sortie de la direction de la CGT par son propre Parti... dès 1982. Voir l'article Georges Séguy du Maitron en ligne : https://maitron.fr/spip.php?article175378

 

Il est important d'établir et de préserver la vérité historique : grâce soit rendu à Jean-Louis Moynot pour l'avoir préservée. Et il est tout aussi important de garantir l'indépendance du mouvement syndical par rapport aux partis politiques...ce qui n'implique pas forcément de ne pas avoir de relations avec eux !

Post Scriptum : Je vois confirmé ce caractère sélectif de la mémoire de Georges Séguy par la contribution de l'historienne Michelle Zancarini-Fournel à l'ouvrage collectif "Les année 68. Le temps de la contestation" (Editions Complexe, 2008, 526 p.) dans son article "Retour sur "Grenelle" : la cogestion de la crise ?"( pp 443-460). En s'appuyant sur le compte-rendu des minutes de la conférence, déposé aux Archives Nationales, article AN 860561 (p 446), auquel il manque malheureusement la sténographie de la dernière séance de la soirée du 26-27 mai, elle établit quelles ont été les priorités revendicatives affichées par les différentes délégations dans leur déclaration liminaire. Ainsi, contrairement à ce que prétend a posteriori (et l'on comprend pourquoi après le témoignage de JL Moynot) Georges Séguy, ce n'est pas l'abrogation des ordonnances de 1967 sur la Sécurité sociale qui constitue la première priorité affichée par la CGT, mais la revalorisation des salaires. De la même façon, la CFDT, par la voix d'Eugène Descamps, affiche en priorité le dépôt d'une loi sur l'exercice des libertés et le pouvoir syndical avant l'abrogation de ces ordonnances. Michelle Zancarini-Fournel remarque toutefois que les revendications prioritaires de son organisation "correspondent à l'accord de 1966 signé avec la CGT." (p 448).

Le point de désaccord avec elle consiste dans sa dénonciation de la répression du pouvoir et notamment de l'interdiction de séjour prononcée contre "l'un des animateurs du mouvement" (ibidem). Ce qui a donné dans le livre de 1972 de Georges Séguy, "Le Mai de la CGT", l'appréciation : "Il (Eugène Descamps) proteste contre la répression et demande l'annulation des mesures ayant frappé le leader des groupes anarchistes, Cohn-Bendit, ce qui résonne d'une étrange façon dans le cadre d'une telle conférence." (ibidem)

 

NB Cette interdiction de séjour de Daniel Cohn-Bendit, qui s'établit donc dans l'autre pays dont il dispose de la nationalité, en raison de l'origine de ses parents, l'Allemagne, ne sera levée qu'en 1978. Et pas grâce au PCF !

 

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