Pauline MAUCORT La Guerre et après...

Pauline MAUCORT

La Guerre et après...

Les Belles Lettres- Mémoires de Guerre, 2017, 302 p.

Il y a des livres difficiles à lire, non par leur langage, mais par le sujet qu'ils portent, et dont on sent pourtant profondément la nécessité.

Celui-ci en fait partie.

Difficile d' y entrer sans ressentir le malaise de se percevoir comme un "voyeur" un peu obscène. Et pourtant, comment ne pas admettre l'importance cruciale de comprendre ce que produit l'expérience de la guerre, en raison des conséquences historiquement fondamentales de ce qu'on a fini par identifier comme "syndrome de stress post-traumatique" (SSPT).

La nécessité de dire et d'analyser les différentes manifestations de ce "syndrome" constitue un enjeu politique majeur.

C'est ce que j'ai personnellement ressenti face aux réactions superficielles et convenues au dernier drame d'Annecy.

Comment ne pas relier cette attaque incompréhensible au couteau sur des enfants avec le peu que l'on savait de la biographie de l'auteur : Syrien déserteur de l'armée de Bachar Al Assad au moment de la terrible répression militaire des manifestations pacifiques du printemps 2011 ? Comment ne pas envisager que ce jeune homme, apparemment sans histoire, et qui plus est (élément perturbateur pour le narratif islamophobe habituel) chrétien, ait pu avoir été gravement traumatisé par ce qu'il a vu et vécu à ce moment-là ? On retrouve en effet dans ce passage à l'acte des fantasmes couramment éprouvés par les traumatisés de guerre. Que ceux-ci restent la plupart du temps à l'état de fantasmes, sans passage à l'acte, ne doit pas pour autant occulter leur potentiel explosif.

C'est de ce vécu traumatique dont il est question dans ce livre. A partir des témoignages de soldats français passés par les théâtres de guerre en Afghanistan, au Mali ou en Centrafrique dans les années 2010, l'autrice, journaliste, a reconstitué 9 portraits, dont 7 sont anonymisés, tant ces effets restent tabous, malgré la prise en compte croissante par l'institution militaire elle-même des effets psychologiques du trauma de guerre.

Significativement le livre débute par les "carnets" d'un psychologue militaire, lui-même ancien combattant en tant qu'artificier, mais devenu créateur de la CISPAT , la Cellule d'Intervention et de Soutien Psychologique de l'Armée de Terre, et à ce titre, présent sur le terrain en Afghanistan en 2009-2010. Ces carnet se prolongent par un compte-rendu de "fin de mission" dans des lieux intermédiaires servant de "sas de décompression psychologique" en 2011, puis son bilan post-militaire après s'être établi comme psychothérapeute, en 2016. Il reçoit encore dans son cabinet d'anciens militaires traumatisés...

Les manifestations du SSPT sont multiples, mais elles nécessitent toutes une verbalisation et une analyse pour une mise à distance. Différents exercices peuvent permettre de réduire leurs effets physiques et leur répétition (tremblements, insomnies, phobies, pulsions agressives...). Il y a là tout un champ thérapeutique en plein développement, et qui doit être pris au sérieux.

Une lecture, donc, difficile mais indispensable. Elle s'inscrit dans mon parcours de lecture sur "ceux qui aiment /n'aiment pas la guerre".