Ceux qui aiment la guerre (2) Pierre SERGENT Je ne regrette rien

Publié le par Henri LOURDOU

Ceux qui aiment la guerre (2)

Pierre SERGENT Je ne regrette rien

(Livre de Poche n°3875, 1974, 574 p.)

 

J'ai trouvé ce livre dans la "boîte à livres" de Saint-Pé de Bigorre, devant l'Office du Tourisme. Et cela a évoqué en moi un souvenir personnel : lors de ma première année d'étudiant à Toulouse, en 1971-72, j'avais assisté à un "autodafé" de ce livre par des militants d'extrême-gauche, rue Gambetta devant la librairie où l'auteur devait venir le dédicacer.

Je n'ai jamais apprécié les "autodafés"...Mais je n'aurais pas poussé l'amour de la liberté d'expression jusqu'à acheter ce livre d'un fasciste impénitent, ancien chef de l'OAS Métropole, théoricien et praticien du meurtre et du terrorisme.

Pierre SERGENT, un temps exilé et hors-la-loi, a été amnistié par De Gaulle en juin 68. Il a ensuite entamé une carrière d'homme de lettres et de politicien dans les Pyrénées Orientales. Membre du Front National, il n'est pas monté dans l'appareil où il aurait pu faire de l'ombre à Le Pen. Par contre il a été élu député à la faveur de la proportionnelle en 1986, puis conseiller régional de Languedoc-Roussillon la même année. Candidat aux municipales de 1989 à Perpignan il y dépasse les 20% des voix. A sa mort, en 1992, à 66 ans, des suites d'un cancer, de nombreux notables locaux participent à ses obsèques. Entre-temps, il avait rompu avec le FN sur la question de la guerre qu'il soutenait contre l'Irak de Saddam Hussein en 1990, contrairement à ce parti.

 

Enfant de la bourgeoisie parisienne, il entre dans la Résistance en 1944 avec son frère alors qu'il est encore lycéen. Tout comme Kessel, et plus que lui sans doute, il goûte à ce point l'adrénaline guerrière qu'il décide d'en faire son métier. Il retourne au lycée pour préparer Saint-Cyr.

Il intègre à sa sortie de cette école militaire la Légion Etrangère, et fait toute sa carrière dans l'armée coloniale : Algérie, Tunisie, Indochine et Algérie à nouveau où il finit comme capitaine à la tête de la 1e compagnie du 1er Régiment Etranger Parachutiste.

Il fait partie des officiers politisés qui théorisent la guerre contre-révolutionnaire et considèrent la guerre d'Algérie comme un combat contre le communisme mondial.

Pour lui De Gaulle et tous ceux qui veulent "brader" l'Algérie française sont des traîtres.

Il exalte l'amitié virile des combattants, leur sens du sacrifice et leur bravoure.

Et, donc, il ne regrette rien des coups donnés aux fellaghas et à tous ceux qui les soutenaient : la guerre peut être cruelle, et si l'on accepte de mourir on doit accepter de tuer.

Dans ce romantisme guerrier, les femmes ont leur place : il salue les épouses d'officiers venues leur tenir compagnie en opération, malgré les interdictions du règlement...

Tout le sale aspect du travail (torture, exécutions sommaires, viols) est passé pudiquement sous silence...Au profit des grands moments héroïques et de la Cause qui justifie tout. Et d'ailleurs, les "politiques" ne l'ont-ils pas couvert hypocritement tant que cela servait leurs objectifs ?

 

Au fond, Sergent et ses amis ne sont coupables que d'avoir persévéré dans la défense de l'Algérie française et de l'Empire à laquelle on les avait tout d'abord invités. Et d'avoir, pour ce qui concerne Sergent, pris les moyens pour cela : porter la terreur en métropole contre tous les complices de l'abandon, en spéculant sur une réaction communiste violente qui aurait obligé De Gaulle à s'appuyer sur l'OAS. De fait, un tel scénario s'est presque vérifié en Mai 68 où De Gaulle a amnistié les anciens de l'OAS pour élargir sa base politique à droite contre la "chienlit".

Mais auparavant, l'OAS s'est débandée avec le renoncement des uns et la fuite en avant dans le gangstérisme pur et simple pour les autres : une évolution qu'ont connu bien des mouvements armés clandestins, indépendamment de leurs idéologies...

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