Pour dépasser la crise de la démocratie en répondant à l'urgence écologique

Publié le par Henri LOURDOU

Pour dépasser la crise de la démocratie en répondant à l'urgence écologique
Pour dépasser la crise de la démocratie en répondant à l'urgence écologique

Pour dépasser la crise de la démocratie en répondant à l'urgence écologique

 

Sous la direction de Jean-Luc PRADES et Claire RUEFF-ESCOUBÈS

Introduction à Gérard Mendel

Sociopsychanalyse, une anthropologie et une clinique

L'Harmattan, février 2019, 184 p.

 

Jean-Luc PRADES

Du pouvoir sur nos actes

Sujets de l'actepouvoir et sociopsychanalyse en mouvement

L'Harmattan, septembre 2017, 234 p.

 

Pris par d'autres lectures, j'ai un peu tardé à rendre compte de ces deux livres.

J'ai déjà souvent évoqué Gérard Mendel en soulignant son importance à mes yeux pour comprendre ce qui nous arrive.

 

Le premier livre constitue un bon résumé de ses principaux livres pris dans l'ordre chronologique : il s'y ajoute un texte inédit, écrit à la veille de sa mort, en 2004, qui explique bien son positionnement atypique d'outsider dans le monde savant et universitaire.

Ce livre a la particularité d'être un ouvrage collectif exclusivement rédigé par des membres des 4 groupes de sociopsychanalyse existants qu'il avait contribué à créer ( à Paris, Nice, Montréal et Buenos Aires).

Dans l'introduction générale, Jean-Luc Prades et Claire Rueff-Escoubès expliquent bien la spécificité de ces groupes : composés de "personnes motivées qui n'attendaient de ce travail rien d'autre qu'un intérêt intellectuel et politique (ni carrière professionnelle, ni intérêt financier ne pouvant constituer leur motivation principale) : on a peu remarqué que ces collectifs sont bien différents de ceux qu'on trouve habituellement dans les Laboratoires de recherche des universités où, comme le constatent souvent ceux qui y sont, la bureaucratie tend à générer des comportements individualistes."(p 10)

Je serais quant à moi plus catégorique : le déséquilibre structurel ancien entre l'offre (le nombre de doctorants) et la demande (le nombre de postes offerts) a généré une féroce "lutte de places" qui a fait de l'université française un monde féodal sans pitié pire que celui de bien des entreprises. L' existence et le fonctionnement de ces groupes de sociopsychanalyse constitue donc un anti-modèle et un miroir inversé du monde intellectuel et universitaire français qui explique largement la tenue à l'écart de Mendel et son courant.

 

Ce caractère d'outsider de Gérard Mendel représente donc à mes yeux davantage un atout qu'un handicap.

Sa farouche volonté d'indépendance a été la garantie d'une liberté de pensée plus facile à porter pour lui que pour d'autres. Comme il l'explique dans "Enquête par un psychanalyste sur lui-même", il en a payé le prix financier, mais il considère que cela en valait le coup.

De "La révolte contre le père" (1968) à "Construire le sens de sa vie" (2004), les 28 ouvrages ici résumés sont marqués tout d'abord par une profonde unité autour des mêmes questions : "pourquoi et comment le social modèle-t-il la psyché individuelle ? Le changement sociétal doit-il passer par une nouvelle conception du pouvoir social ? La démocratie représentative est-elle en panne ?" (p 8)

Pour répondre à ces questions Mendel est amené à élaborer un véritable paradigme anthropologique qui fait au passage la critique acérée et approfondie de différentes idéologies.

Enfin, ce paradigme s'appuie sur une étroite articulation entre théorie et pratique, à travers des interventions collectives qui permettent de construire "une définition psychosociale du pouvoir que le concept d'actepouvoir, central dans cette oeuvre, va traduire." (p 8)

 

Ce qui fait tout le prix de cette réflexion à mes yeux est la prise en compte simultanée de la crise de la démocratie et de la crise écologique qui s'approfondissent au fil du temps : or, malgré le passage du temps (16 ans depuis son dernier livre), sa pensée devient de plus en plus pertinente .

 

Car il y a bien connexion entre la crise du patriarcat, qui met en crise la démocratie inaboutie que nous connaissions, étroitement corsetée par les principes autoritaires, et la crise du capitalisme, qui, à travers le productivisme-consumérisme, détruit le climat et la biodiversité, et donc la mise en cause du principe de la croissance indéfinie des forces productives.

Or ces deux crises ne peuvent être affrontées que par la maîtrise collective de nos actes qui remet en jeu tous les pouvoirs établis.

De cette visée rendent compte les textes réunis dans le second livre de Jean-Luc Prades, membre du groupe de sociopsychanalyse de Nice, et l'un des continuateurs les plus productifs du travail théorique et pratique de Mendel.

De celui-ci, je dégagerai deux textes en particulier.

Le premier concerne l'évolution préoccupante de la formation des travailleurs sociaux en France (p 47-66), d'où sont progressivement évacuées les sciences humaines et la réflexion sur la finalité et le fonctionnement des institutions au profit de techniques gestionnaires et psychologisantes-individualistes. Une réflexion qui concerne plus largement toutes les institutions scolaires, où l'on observe la même régression intellectuelle, alors-même que leur fonctionnement accumule les frustrations et les dysfonctionnements qu'elles induisent. Jamais la confusion sur la crise de l'École n'a été aussi grande, et les personnels éducatifs aussi déboussolés.

Le second concerne les liens et distinctions à établir entre trois notions relevant de l'aspiration à plus de démocratie : empowerment, pouvoir d'agir et actepouvoir (p 161-183) à un moment où émergent ces aspirations irrépressibles à enrichir la démocratie, dont la popularité de thèmes tels que le tirage au sort ou le RIC sont l'expression un tantinet magiques et illusoires, voire dangereuses.

Toutes les pratiques d'intervention collective qui servent de soubassement à ces réflexions montrent bien que la sociopsychanalyse est bien une doctrine en mouvement, dont la notion d'imagination participative, qui sert de titre à ce texte, rend bien compte.

Publié dans Mendel, politique, écologie

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