Nostalgie de l'autorité et perspectives d'avenir

Publié le par Henri LOURDOU

Nostalgie de l'autorité et perspectives d'avenir

Nostalgie de l'autorité

(Interminable "crise d'autorité")

et perspectives d'avenir.

 

Dans "Le Monde" daté 4-7-19, p 10, le général Pierre de Villiers, ancien chef d'état-major des armées, donne une longue entrevue sous le titre, en forme de citation, "Il y a une crise d'autorité".

Devenu consultant après avoir démissionné, il y a deux ans, de son poste, il "sillonne la France"et "remplit des salles en parlant de l'autorité et de la gouvernance, thème de son deuxième livre "Qu'est-ce qu'un chef ?" (Fayard, 2018)."

On se souvient que l'un des porte-paroles des Gilets jaunes avait fait appel à lui pour remplacer E. Macron. Dans cette entrevue, il déclare clairement ne pas vouloir entrer en politique, et apparaît comme un catholique fervent et un militaire bon teint, porteur donc de "valeurs traditionnelles".

Il le dit d'ailleurs très clairement : "J'ai été élevé au biberon de l'unité, du rassemblement. Ma culture c'est : on prend tous les Français, on les met devant le drapeau, et on est capable ensemble d'aller jusqu'au sacrifice suprême." Sa conviction est qu'"on manque de chefs parce qu'on manque de vision."

Malheureusement, sa "vision" ne s'appuie que sur des constats un peu courts : "On est dans une "mondialisation de l'indifférence"", selon la belle formule du pape François", pour déplorer le développement de "l'individualisme" [ mais d'où vient ce supposé "individualisme" ? ] ; "le monde devient dangereux" [il ne l'était donc pas avant ? Cela dépend pour qui ...]; "Enfin le temps presse, stresse. Les gens se sentent sous pression [ Ah les "gens" ! Mais de qui parle-t-on et de quelles pressions, pourquoi ?] "Les révolutions technologiques se multiplient "[tombent-elles du ciel ?] "L'éloignement du pouvoir (...) fait que les gens [!] n'arrivent plus à se situer dans ce monde hypercomplexe" [Ah le bon temps du chef proche de ses hommes, bienveillant, sévère mais juste !].

Comme il faut tout de même désigner des causes à tous ces malheurs, si l'on veut y remédier, le général nous invite à identifier les "deux pelleteuses (qui ) creusent cette crise de l'autorité : la bureaucratie tatillonne, plus importante malgré la digitalisation [ou plutôt plus obtuse à cause d'elle ?]. Et le juridisme, qui complique la vie des citoyens et des chefs d'entreprise" [ne faut-il pas plutôt entendre le Droit qui s'oppose à leur pouvoir tout-puissant ?]

De fait,le général s'appuie sur les nombreuses rencontres qu'il fait avec des gens qui, comme lui, sont des nostalgiques de l'autorité.

 

Car le fonds de l'affaire est là. Cette "autorité", dont le général, après bien d'autres, déplore la crise, est morte.

Comme le rappelait dès 2001 Gérard Mendel, dans cet ouvrage de référence qu'est "Une histoire de l'autorité", si les bases psycho-familiales de l'autorité existent toujours, elles sont sans cesse plus érodées par deux processus globaux, concomitants mais contradictoires : la marchandisation, issue du mode de production capitaliste, et la démocratisation, issue de la révolution des Droits de l'Homme. Le premier promeut l'individu-consommateur, le second l'individu-citoyen. Le premier induit la passivité hédoniste ("faîtes-vous plaisir !"), le second l'activité gratifiante ("prenons le pouvoir sur nos vies").

Et le paradoxe est que le premier processus, qui détruit également les conditions d'existence (crise écologique), peut s'accommoder aussi bien d'un recul vers l'autoritarisme (qui est la forme dégradée et non consensuelle de l'autorité en crise), que d'un progrès vers l'égalité des droits. La situation actuelle de la Chine en témoigne amplement, tout comme l'apport des différents pays industriels à l'alimentation en armements des guerre générées, notamment contre leurs propres peuples, par les régimes dictatoriaux.

Seules subsistent aujourd'hui en effet les formes dégradées de l'autorité que sont les idéologies violentes de type identitaire, qui, pour exister, doivent désigner en permanence des ennemis à abattre.

Dans cet univers paranoïaque, le refus de la violence est crucial. Car il rompt avec l'idéologie consumériste du capitalisme qui passe par la victimisation. Face à cette tentation, l'affirmation de l'égalité universelle des droits implique la mise en activité de notre part citoyenne. Et ce fut l'objet du second ouvrage complémentaire de Mendel "Pourquoi la démocratie est en panne". Il va falloir réparer la panne, si l'on veut repartir d'un bon pied...

 

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