In memoriam Liu Xiaobo

Publié le par Henri LOURDOU

In memoriam Liu Xiaobo

13 juillet 2017-13 juillet 2019

In memoriam Liu Xiaobo

 

Pas question d'oublier ce dissident, dont l'exemple vaut bien au-delà de son pays, la Chine, et dont l'enseignement est universel.

Au moment de commémorer les deux ans de sa mort, nous pensons, bien sûr d'abord à sa veuve, Liu Xia, retenue en Chine de longs mois, avant d'obtenir finalement son extradition en juillet 2018 pour l'Allemagne, nous pensons également à tous ces "enfants de Tian an men" auxquels il avait apporté son aide en mai et juin 1989, et plus largement à tous les peuples de Chine opprimés par la pire des dictatures de l'Histoire, cette dictature technologique totale qui est en passe de réaliser le scénario noir d'Orwell dans "1984", avec la complicité tacite de tous les grands gouvernements du monde.

Liu Xiaobo a incarné au plus haut point ce que le professeur Robert Debré avait appelé dans le titre de son autobiographie "L"honneur d'être un homme".

En alliant courage et non-violence absolue, il a également fait montre d'une intelligence supérieure à celle de ses bourreaux.

Car il fut victime d'une exécution. Enfermé en 2009 (après deux enfermements de juin 1989 à 1991, puis de 1996 à 1999, toujours pour l'expression de ses idées non-violentes et égalitaires), il n'a été libéré que lorsque son état sanitaire, dû au manque de soins, a conduit au terme fatal du cancer dont il était atteint.

Ses idées-forces sont bien résumées dans la nécrologie d'une page que lui a accordé, à juste titre, le journal "Le Monde" (daté 15 au 17 juillet 2017).

"Nous n'avons pas d'ennemis ! Ne laissons pas la haine et la violence empoisonner notre sagesse et la démocratisation de la Chine. " (Manifeste commun avec Gao Xin et Hou Dejian, publié le 2 juin 1989, à la veille du grand massacre commandité par le pouvoir)

"L'idée est qu'il fallait en finir avec cette culture de la violence que le Parti avait incrustée dans la tête des gens et qui faisait qu'il fallait toujours lutter , attaquer, annihiler un ennemi", commente son ami Zhou Duo en 2010, lors de son attribution du prix Nobel de la Paix, alors qu'enfermé, il ne peut ni s'exprimer, ni aller chercher son prix, décerné à Stockholm à une chaise vide : une première dans l'Histoire des prix Nobel de la Paix, depuis 1936 et l'attribution de ce prix au journaliste pacifiste allemand Carl von Ossietzky, mort lui-même de maladie en 1938 après sa sortie de camp de concentration.

Malgré cela, en 2009, peu avant son incarcération, Liu Xiaobo avait fait parvenir à la cour qui le jugeait pour "incitation à la subversion de l'Etat" une déclaration où il se dit "rempli d'optimisme à l'idée qu'un jour la liberté règnera en Chine, car aucune force ne peut s'opposer au désir des hommes d'être libres."

Cependant, il n'en ignore pas les difficultés. Dont l'une des plus grandes est l'ignorance du passé. Il écrit ceci en 2006 : "Dans la Chine actuelle, qui souffre d'amnésie, tant que la vérité historique ne sera pas rétablie, que l'on ne pourra pas exposer à haute voix les faits réels, toute exploration théorique et toute tentative de trouver une voie pour l'avenir ne pourront être que des illusions."

Lorsque l'on considère la façon éhontée dont le pouvoir chinois a réécrit l'Histoire du mouvement du printemps 1989, (jusqu'à induire l'idée, totalement fausse, qu'il n'y aurait eu aucun mort en juin 1989 sur la place Tian an men), on se dit que ce travail-là est immense.

Encore un mot sur les réactions à la mort de Liu Xiaobo, ce 13 juillet 2017. Ce jour-là, en conférence de presse à Paris, Donald Trump salue en Xi jinping, le bourreau en chef de la clique au pouvoir, "un ami", "un grand dirigeant", "un homme très bien" et qui "veut faire ce qui est bon pour la Chine". Emmanuel Macron, quant à lui, a salué "un des grands leaders de notre monde qui est en train de conduire une réforme extrêmement importante et ambitieuse de la Chine, tant de la société que de l'économie chinoise".("Le Monde", daté 15 au 17-7-17, p 2)

De quelle réforme s'agit-il ? De celle qui est en train de transformer la Chine en vaste prison, grâce à la généralisation de la reconnaissance faciale au moyen de 200 millions de caméras, auxquelles il est question d'en rajouter 400 millions de plus. ("Le canard enchaîné", 10-7-19, p 8)

Mais c'est Liu Xiaobo qui a raison : "aucune force ne peut s'opposer au désir des hommes d'être libres."

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