Maya BEAUVALLET Les stratégies absurdes

Publié le par Henri LOURDOU

Maya BEAUVALLET

Les stratégies absurdes

Comment faire pire en croyant faire mieux

(Points-Essais n°647, 2010, 152 p.)

 

Je suis personnellement fasciné depuis longtemps par ce que j'ai coutume d'appeler les "politiques de Gribouille". A savoir les tactiques ou stratégies politiques qui aboutissent au résultat inverse de celui recherché ou proclamé. C'est le cas en particulier de celles qui pratiquent la surenchère idéologique et la radicalité radicale...

Comme le montre ce petit ouvrage consacré aux "indicateurs de performance", ce type de démarche n'est pas réservé à la politique.

Il s'agit ici du passage dans la gestion des entreprises, alias "management", du modèle autoritaire au modèle incitatif à travers la mise en place de primes de performance ou autres moyens d'orienter l'activité des salariés, supposant des indicateurs "objectifs".

Le résultat n'est pas exactement celui attendu...

Le fond de l'affaire étant que les motivations à agir ne se réduisent pas à l'intérêt matériel et personnel, comme le veut la Vulgate néolibérale...

Mais aussi que l'activité d'une personne n'est pas si facile que cela à évaluer.

Et il en est de même lorsqu'on passe au niveau collectif, d'où la profonde difficulté à construire des indicateurs statistiques réellement porteurs de sens.

Or de tels indicateurs se multiplient de façon exponentielle.

La nécessité de prendre le temps de réfléchir à ce qu'on lit n'a jamais été aussi grande, au moment-même où l'on écrit et transmet des informations non vérifiées de plus en plus vite.

Le vrai paradoxe de notre époque panurgienne est là : la fausse information se propage aussi vite que la vraie.

Cela nécessite une véritable éthique du lecteur.

Aussi je vous engage à lire attentivement l'article qui suit, relevé par mon ami Michel Geoffre dans "Le Monde", et que personnellement je n'avais pas vu passer.

 

Pourquoi de telles réserves sur la reconnaissance du vote blanc comme un suffrage exprimé?

 

Le premier argument est d'ordre constitutionnel. L'article 7 de la Constitution prévoit que « le pré­sident de la République est élu à la majorité absolue des suffrages ex­primés ». La prise en compte des bulletins blancs comme suffrages exprimés pourrait conduire à une situation où aucun des deux can­didats du second tour n'obtien­drait la majorité absolue. Dans un tel cas, il faudrait procéder à une nouvelle élection. Sauf à modifier préalablement la Constitution.

L'hypothèse n'est pas farfelue. En 2012, en incluant les bulletins blancs et nuls, qui n'étaient pas encore décomptés séparément et s'élevaient à 5,82 % des votants, François Hollande n'aurait re­cueilli au second tour que 48,62 % des suffrages et Nicolas Sarkozy 45,54%. Même cas de figure en 1995, où Jacques Chirac n'aurait obtenu que 49,5 % des suffrages, blancs et nuls représentant alors 5,97 % des votants. Lors de l'élec­tion présidentielle de 2017, la première où les bulletins blancs ont été décomptés séparément, ils re­présentaient à eux seuls 8,52% des votants. 

Ce ne serait pas la seule consé­quence de la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé. En premier lieu, un pro­jet soumis à référendum ne pour­rait être adopté que si le nombre de bulletins «oui» était supérieur à celui des «non» et des blancs réunis. En l'espèce, un non-choix équivaudrait à un vote contre. Il faut aussi tenir compte du fait que de nombreuses règles électorales reposent sur un seuil de suffrages exprimés.

Ainsi, pour pouvoir se maintenir au second tour, il faut obtenir au premier 12,5 % des suffrages expri­més pour les élections législatives et l0 % aux régionales et aux mu­nicipales, le seuil étant également fixé à 5 %, pour ces deux dernières, pour pouvoir fusionner. La prise en compte des bulletins blancs durcirait donc les conditions d'ac­cès au second tour. Idem pour l'ac­cès au remboursement des frais de campagne. Ce qui est présenté comme une avancée démocrati­que aurait donc comme effet para­doxal de restreindre l'expression pluraliste au détriment des forma­tions politiques minoritaires.

Plus généralement, cela conduit à s'interroger sur le sens du vote. Fondamentalement, celui-ci a pour objet de désigner des repré­sentants ou de répondre à une question posée dans le cadre d'une consultation. A quoi correspond le non-choix exprimé par le vote blanc? Expression d'un mé­contentement, d'une contesta­tion de basse intensité, refus ou crainte de se prononcer par manque d'information ou par dé­sintérêt? Les motivations sont diverses. Comment, dès lors, leur donner sens ? Faudrait-il prévoir une représentation des votes blancs et sous quelle forme ?

La seule question qui vaille, en définitive, est de savoir si la recon­naissance du vote blanc est de na­ture à remédier aux maux dont souffre la démocratie représenta­tive en France, et au-delà. D'évi­dence, la crise est trop profonde pour s'en satisfaire. PATRICK ROGER (Le Monde 10 et 11-3-19, p 6)

 

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