E ROUDINESCO et le genre ou la panique des lacaniens

Publié le par Henri LOURDOU

E ROUDINESCO ET LE GENRE ou

LA PANIQUE DES LACANIENS

 

Dans "Le Monde" daté 1er et 2/11/2018, Elisabeth ROUDINESCO, historienne de la psychanalyse à Paris VII-Diderot, et collaboratrice du "Monde des Livres", donne son sentiment sur le mouvement #metoo, un an après son émergence. Elle en profite au passage pour dénoncer des "dérives", dont celle qui se réclame "du genre pour promouvoir un culte identitaire sans référence à l'anatomie", qu'elle rapproche curieusement de celle qui a "pour horizon la reconstruction d'un ordre viriliste : amour de la chefferie, misogynie, rejet du mariage homosexuel, de l'avortement, des procréations assistées, etc."

Elle met ensuite en cause l'écriture inclusive qu'elle qualifie de "ridicule". Et elle consacre pour finir un très long passage de son texte (et sa conclusion) au "phénomène queer (effacement des différences)". Cette définition lapidaire appelle aussitôt un commentaire : pour E. Roudinesco, apparemment, la seule différence qui vaille est celle des genres...Car comment oser écrire que la posture "queer" se réduit à un effacement de toute différence entre individu.e.s ?

Ce préjugé implicite est renforcé par le jugement péremptoire final concernant la revendication de l'effacement du sexe sur les registres d'état civil : "De quelle liberté s'agit-il ? Pourquoi un mouvement d'émancipation démocratique a-t-il pu ainsi se retourner en son contraire au point de donner naissance à un tel délire ?" On se demande où est ici le "délire"...

Cette véritable "panique identitaire" nous conduit en effet, comme elle le conclut, à l'urgence "de réfléchir à cette question brûlante" : pourquoi les progresssistes lacaniens sont-ils si paniqués par les questions d'identité de genre ?

 

Pour introduire la réflexion, un petit rappel au réel concerne les souffrances vécues par la minorité de personnes qui ne se retrouvent pas dans les normes établies, et cela ne date pas d'aujourd'hui.

La nouveauté est que ces personnes ont en fin trouvé un espace de parole publique, comme l'illustre l'invitation ci-dessous :

"Bonjour

 

Ce Lundi 5 Novembre 2018 à 20h :

 

Dans le cadre de la Quinzaine TQI, CLAR-T/I vous invite à venir (re)voir

le magnifique documentaire "L'Ordre des Mots" de Cynthia et Melissa Arra
(2007). La projection aura lieu dans l'auditorium de l'Espace des
diversités et de la laïcité (EDL, 38 rue d'aubuisson)

Ce film a pour objet de donner la parole à des personnes Trans’ et
Intersexe dont la quête d’identité de genre se trouve entravée par des
normes établies. Leurs moyens de résistance se situent dans la recherche
d’outils de savoir, de corporalités, de sexualités, mais aussi
d’identités alternatives en dehors des schémas conventionnels. Loin du
traitement habituel des questions Trans’, ce film, par le choix de ses
portraits, tous acteurs et précurseurs contemporains du mouvement Trans’
et Intersexe en France, aborde de front ces questions d’identité de
genre en interrogeant non seulement nos normes sociétales trop souvent
incontestées mais aussi en analysant la nature de l’oppression et de la
répression dont fait l’objet cette communauté.

Le film sera suivi d'une discussion avec le public et quelques invitéEs
directement concernéEs par le sujet (dont Maud-Yeuse Thomas,
intervenante dans le film) sur l"Histoire de nos luttes Trans et Intersexe"

 

L'entrée est gratuite.

--

 

Association Clar-T/I "

 

Où est ici le "culte identitaire sans référence à l'anatomie" ?

Peut-on parler de "culte identitaire" quand ces personnes s'interrogent justement sur leur identité ?

Peut-on raisonnablement établir que la question de l'identité de genre ne se règle que par l'anatomie ? Alors que l'on sait positivement que toutes les caractéristiques physiques de genre se distribuent sur un spectre très large dont la frontière est loin d'être évidente. Le point extrême de cette distribution floue étant atteint par la question des personnes intersexuées, encore aujourd'hui victimes de "rectifications chirurgicales" souvent mutilantes et douloureuses.

Cette "absence de référence à l'anatomie" brandie par E.Roudinesco pourrait lui être amèrement reprochée à bon droit par toutes ces personnes trans qui se battent au quotidien contre une anatomie qui entrave leur quête d'identité assumée. Il ne s'agit pas de "mode" ou de "convenance personnelle" (au sens de "caprice") : argument déjà utilisé, la féministe E Roudesco s'en souvient-elle, à propos du droit à l'IVG, mais de réelles souffrances personnelles et d'itinéraires parfois chaotiques et en tout cas jamais faciles.

 

Mais venons au fond de la question. Pour un lacanien orthodoxe, la question du genre est à jamais et définitivement tranchée par la question de la Loi du Père, opposée au monde féminin de la Pulsion. Cet archétypage du Masculin et du Féminin est au coeur de la théorie lacanienne. D'où l'utilisation, n'en déplaise aux lacaniens progressistes comme E Roudinesco, de cette théorie par des adversaires du mariage homosexuel.

En fait, le "culte identitaire" n'est pas là où le place E.Roudinesco. D'où la véritable panique qu'elle manifeste quand ce culte est "profané".

 

Soutenons les personnes trans, queer et intersexuées dans leur revendication de dignité et de respect. Exigeons l'effacement de la mention "sexe" sur les documents d'identité.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article