Un appel à l'insoumission

Publié le par Henri LOURDOU

Un appel à l'insoumission

J'ai encore quelques amis à La France Insoumise (LFI), le mouvement lancé en 2016 par Jean-Luc Mélenchon.

Mais, au train où vont les choses, jusqu'à quand ?

Car de deux choses l'une : ou bien ils se distancient de l'état d'esprit dominant qui s'y installe, et donc ils prendront le chemin de la sortie, ou bien ils s'y adaptent, et ne pourront bientôt plus me parler sans paraître suspects à leurs camarades.

 

C'est pourquoi je leur lance cet appel à l'insoumission. En espérant qu'il correspond aux aspirations profondes qui sont non seulement les leurs, mais celles de beaucoup de leurs camarades.

Mais insoumission à quoi ? A deux travers qui obèrent la démarche politique actuelle de LFI : l'unanimisme, qui conduit au sectarisme et à l'intolérance; le présidentialisme, qui conduit au manque de démocratie réelle, au suivisme et aux phénomènes de Cour.

 

L'unanimisme, mamelle du sectarisme et de l'intolérance

 

Personne n'aime spontanément les désaccords. Surtout dans un groupe affinitaire de gens réunis par une communauté d'idées et de convictions.

Il est pourtant essentiel de les accepter et d'y faire face positivement. Désaccords internes, mais aussi désaccords externes.

Je vais m'arrêter uniquement sur les seconds, car ils posent la question de l'articulation entre combat politique et pluralisme dans une démocratie.

On voit bien ce qui se passe avec certains militants LFI : les désaccords les moins acceptés par eux sont ceux avec les plus proches de leurs positions, et singulièrement avec mes camarades d'EELV.

J'en ai eu le témoignage récent, à travers la réponse d'un ex-adhérent des Verts devenu Insoumis à la sollicitation d'un copain EELV utilisant de vieux fichiers. La violence du ton, très acrimonieux et accusatoire à notre égard, était tellement excessive qu'elle montrait, à son corps défendant, un réel malaise à se confronter à notre simple existence.

J'avais eu moi-même précédemment eu l'occasion de me confronter à ce type de réaction, et j'en ai eu d'autres témoignages, ce qui tend à prouver qu'il ne s'agit pas de "cas" individuels, mais bien d'un état d'esprit répandu.

Mon hypothèse est que ce type de malaise renvoie à une culture de l'unanimisme qui est au coeur de l'imaginaire populiste lié au projet de LFI.

Dans cet imaginaire, le peuple est "un" et ne peut qu'être "uni". Toute atteinte à cette unité est donc vécue comme une agression. Comme le vecteur et le représentant de cette unité est le mouvement-même de la France Insoumise, tout ce qui se situe en-dehors est donc dévalorisé ou dangereux : soit il s'agit d'un complot des ennemis du peuple, soit il s'agit de gens dans l'erreur qu'il convient de convaincre de rejoindre le mouvement. Que, donc, ces gens-là s'adressent à vous comme des partenaires légitimes, a quelque chose de profondément dérangeant.

D'où la difficulté à accepter de débattre... Et les comportements vécus par les autres comme sectaires et intolérants.

Au-delà du désagrément causé par ce genre d'attitude, cette situation pose un grave problème politique que le résultat des dernières élections européennes met en évidence.

Comment construire une majorité démocratique alternative avec des partenaires dont on nie la légitimité ?

Car, à l'évidence, LFI est incapable de construire une majorité à elle seule !

 

Pour sortir de cette impasse, il faut s'insoumettre à la culture populiste de l'unanimisme et accepter pleinement le pluralisme et ce qui va avec : la négociation et le compromis.

Mais cela suppose également de s'émanciper d'un autre travers : le présidentialisme.

 

Le présidentialisme, négation de la démocratie réelle et mamelle du suivisme courtisan

 

LFI s'est construite autour et à partir de la candidature de Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles de 2017. Le succès relatif de cette candidature, malgré la 4e position de JLM au 1er tour, a entraîné une dynamique aux législatives suivantes qui a permis, grâce au bon report des voix restées de gauche (socialistes, communistes et écologistes), l'élection de 17 députés LFI.

J'ai moi-même voté au 2d tour pour une candidate LFI, même si je n'ai donné aucune "consigne de vote" à mes électeurs du 1er tour, qui d'ailleurs ne m'en ont pas demandé...

Toujours est-il que ce mouvement "gazeux" selon le terme-même de Mélenchon dans une interview fameuse au "1", constitué de groupes de base sans réelle structuration démocratique (et l'on a pu ici constater à quel point l'idée du tirage au sort pouvait être dévoyée pour tuer la démocratie réelle), est dirigé de fait par l'ex-candidat et son entourage proche qui prennent toutes les décisions stratégiques.

Il s'ensuit une forme de suivisme courtisan qui n'est pas sans rappeler le mode de fonctionnement d'un Mitterrand. A l'évidence, celui-ci constitue pour Mélenchon le modèle à suivre, et il ne fait pas mystère de l'admiration sans réserve qu'il lui voue.

Le problème est que ce mode de fonctionnement cautionne et entretient le présidentialisme que Mélenchon prétend combattre. Comment donner crédit à ses proclamations et à son programme en faveur d'une 6e République authentiquement parlementaire dans ces conditions ? Il y a là une profonde contradiction.

Contradiction que l'héritage non inventorié du mitterrandisme dans une bonne partie de la gauche, et spécialement, mais pas seulement, au PS, maintient comme une plaie ouverte qu'il va bien falloir finir par cautériser pour redonner des couleurs à la démocratie.

Il convient de renoncer à l'idée que l'élection présidentielle est la seule voie de l'accès démocratique au pouvoir, car cette idée entretient l'unanimisme populiste sous la forme du "parti du Président", seul parti démocratiquement légitime, dont les autres partis ne peuvent être au mieux que les satellites ou les obligés (les Verts puis EELV en savent quelque chose !).

Donner toute sa place au pluralisme est la clé d'une refondation de la démocratie : une démocratie enfin adulte, où chacun peut être acteur sans nier l'existence des autres et leur légitimité.

Cela passe donc par l'insoumission à l'unanimisme et au présidentialisme.

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