Besoin de Vert et nécessité d'engagement

Publié le par Henri LOURDOU

Besoin de Vert et nécessité d'engagement

Besoin de Vert et nécessité d'engagement

 

Il y a indéniablement, et malgré les circonstances exceptionnelles, une poussée Verte lors de ces élections municipales du 15 mars 2020.

Ce "besoin de Vert" exprimé par une quantité croissante d'électeurs se heurte à une réalité malheureuse : la faible capacité militante des partis écologistes, y compris le principal, le mien, EELV.

Nous le voyons bien depuis longtemps : malgré des sympathies nombreuses, nous n'arrivons pas à construire le "parti de masse" de l'écologie que nous devrions être.

Adhérent de ce parti, sous son ancien nom "Les Verts", depuis 1990, j'ai vu passer bien des adhérents, plus ou moins fugitifs, et le plus souvent faiblement, ou très faiblement, impliqués dans le fonctionnement collectif du parti.

On pourrait mettre cela uniquement sur le compte des aspects insatisfaisants de ce fonctionnement.

Ils existent, et sont le lot de pratiquement tous les partis et autres organisations "pyramidales" : faiblesse de la circulation des informations du "bas" vers le "haut", excès au contraire d'informations "descendantes", caractère ésotérique de débats faisant référence à un passé inconnu des nouveaux arrivants ou à des références intellectuelles non partagées....

Ces défauts, il convient sans cesse de les corriger par un partage volontariste et sélectif de l'information permettant à chacun de posséder toutes les références communes permettant le débat, par une écoute renforcée de la base et la prise du temps nécessaire pour cela de la part des "responsables".

Mais ils n'expliquent pas tout.

 

Il faut s'attaquer à la maladie du consumérisme politique qui génère paradoxalement l'extrémisme et entrave en réalité les progrès de la démocratie.

 

Consumérisme et spontanéisme "citoyen"

 

Nous voyons émerger depuis quelques années la pratique des "collectifs citoyens", constitués en-dehors des partis. Elle fait écho à celle des "coordinations" qui avaient prétendu à certaines époques remplacer les organisations syndicales dans la gestion des conflits du travail.

Dans les deux cas, une même dynamique de radicalisation peut souvent s'exercer si certaines conditions de fonctionnement collectif ne sont pas respectées.

Cette dynamique tient à l'accaparement de la parole et de la décision par les éléments les plus radicaux, sur la base d'un activisme débridé qui légitime leur prise de pouvoir de fait.

La plupart du temps les apparences démocratiques sont préservées : assemblée générale et vote majoritaire. Mais la faible formalisation des procédures amène à écarter peu à peu les éléments les moins radicaux, écoeurés ou marginalisés, dont la parole est de moins en moins écoutée et prise en compte.

Une telle dynamique conduit au rétrécissement de la base du collectif.

 

Le deuxième effet pervers de ce mode de fonctionnement est l'épuisement collectif généré par l'activisme. A une phase d'intense activité succède une phase de quasi-disparition qui débouche souvent sur une disparition effective.

 

Les troisième effet est le ressentiment généré par les deux premiers : la radicalisation éloigne l'obtention de résultats concrets de l'action collective, la disparition du collectif introduit l'idée de son inutilité ou d'une "trahison", avec la recherche de divers boucs-émissaires permettant d'expliquer l'échec final.

 

Au final, cette volonté initiale d'éviter les partis ou les syndicats ne peut porter des fruits qu'à condition de reprendre à son compte les fonctions que ceux-ci exercent et en large partie leur mode de fonctionnement, autrement dit à conditon de constituer un nouveau parti ou un nouveau syndicat.

Cela suppose de sortir d'une forme de consumérisme politique donnant faussement à croire que des solutions faciles et non contraignantes, notamment en temps, existent pour faire vivre la démocratie.

 

Les contraintes et promesses d'un vrai engagement citoyen

 

Redisons-le : opposer adhésion à un parti et engagement citoyen est une fausse piste. Ce dont il s'agit au contraire est bien aujourd'hui d'articuler les deux.

Le besoin de participation devient plus fort au point qu'il est à présent incontournable. Ce doit être l'occasion de revitaliser les partis et non de les contourner (illusoirement, comme on a essayé de le montrer plus haut).

Car les partis, qu'on le veuille ou non, remplissent des fonctions indispensables ainsi résumées par Henri Weber, dans une lumineuse tribune du "Monde" (daté 25-2-20) où il analyse la "Misère des nouvelles formes partisanes" nées du consumérisme politique :

-fonctions idéologiques : un parti construit une représentation collective du monde partagée

-fonctions programmatiques : un parti permet de bâtir des programmes politiques par la mutualisation des ressources et l'accumulation des expériences d'élus

-fonctions électorales : un parti permet d'organiser la participation à des élections

-fonctions organisationnelles : un parti est structuré par des statuts et des règles de fonctionnement qui permettent d'organiser le débat et de sélectionner des candidats.

 

Ces règles organisationnelles introduisent de la lourdeur dans le fonctionnement, mais aussi de la transparence et du débat structuré : or c'est bien ce qui manque aux nouvelles formes partisanes nées d'Internet et des réseaux sociaux.

Se baser sur des règles de fonctionnement écrites (statuts) est un élément décisif et trop négligé.

Cela seul permet de faire durer dans le temps une organisation et de lui constituer une mémoire collective indispensable pour pratiquer des bilans périodiques et relancer son action.

Cela suppose un engagement fort de la part de responsables élus ou tirés au sort, et une pratique de partage de l'information et d'écoute de la base de leur part, à contre-courant des tendances spontanées de toute organisation.

Car "faire tourner la boutique" prend du temps et de l'énergie...et cela devient trop souvent le seul souci des "responsables".

Pour les soulager, une seule solution : l'engagement plus soutenu des militants de base.

Sans cela, la "tendance oligarchique" des organisations diagnostiquée dès 1914 par le sociologue Robert Michels sur le cas de la social-démocratie allemande, prend le dessus : entre-soi et cooptation deviennent la règle d'un monde qui se referme sur lui-même, et devient incapable de se remettre en question.

Bousculés par le séisme de 2017, les vieux partis sont aujourd'hui ouverts au vent du changement démocratique : c'est le moment de les revitaliser et d'inventer de nouveaux fonctionnements plus horizontaux et participatifs, non de les snober.

Mais il faut savoir et admettre que cela demande du temps et de l'énergie.

Publié dans Verts et EELV, politique

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