La crise de l'Europe et comment en sortir (Michel Aglietta)
La crise de l'Europe et comment en sortir
Dans un texte lumineux, l'économiste Michel AGLIETTA analyse l'impasse dans laquelle se sont engagés les pays de l'Union Européenne (« Le Monde », 18 mai 2010) , mais il trace aussi les pistes d'une échappée de ce piège déflationniste mis en place par les politiques d'austérité générale. Je ne peux que citer sa conclusion :
« Le projet mobilisateur ne peut être qu'une coopération étroite dans la mise en commun de ressources humaines et technologiques pour se placer à la frontière d'une vague d'innovations portée par les économies d'énergie, la substitution vers les énergies renouvelables, la protection de l'environnement et la baisse des coûts de la santé. » Faut-il préciser que par « baisse des coûts de la santé » il ne faut pas entendre « coupes budgétaires » mais bien nouvelle approche permettant de garantir la santé humaine sans investissements démesurés dictés par des lobbies industriels, mais au contraire par des mesures basées sur une connaissance plus fine des véritables causes des pathologies modernes.
« Cela implique de sortir de la logique budgétaire comptable et de restructurer à la fois les recettes et les dépenses. » Autrement dit ne plus s'en tenir à la règle absurde « d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite non remplacé », mais aussi engager une vraie révision générale des politiques publiques basée sur la définition des besoins nouveaux et des politiques périmées ou inutiles concernant les dépenses, et sur la redéfinition de la justice fiscale concernant les recettes. Par exemple : « élargir la base fiscale et (…) annuler tous les allègements dont le seul objectif a été clientéliste. Il faut aussi créer des incitations à la réorientation de l'investissement. L'outil principal est une taxe carbone croissante dans l'ensemble de l'Europe, dont le produit doit être consacré en partie à l'investissement en recherche et développement et en partie à abaisser le coût du travail.
Elle doit être complétée par des subventions et des règlementations pour inciter aux rénovations urbaines. » Il s'agit bien d'inventer la ville écologique du futur, économe en énergie et conviviale dans son fonctionnement.
« La refonte du budget européen et l'augmentation de ses ressources dans le sens de la promotion d'une croissance verte donneraient une impulsion majeure. » Même si nous n'aimons pas beaucoup ce terme de « croissance verte », l'enjeu immédiat est bien de créer suffisamment d'emplois pour faire face à la montée dramatique du chômage. Pour cela la création d'un impôt européen et l'augmentation du budget de l'Union au-delà du ridicule 1% du PIB (contre 20% pour l'Etat fédéral américain) s'imposent.
« Enfin, l'expérience scandinave le montre clairement, il faut une priorité absolue pour l'investissement public en direction de l'éducation sur toute la vie et de la recherche. »
Michel AGLIETTA s'interroge enfin sur la capacité des gouvernements européens actuels à faire cet « aggiornamento ». Il en doute. Nous aussi. Mais la démocratie n'est-ce pas la possibilité justement de changer de gouvernement ? Aux oppositions dans tous les pays de se saisir de ces propositions et de les faire partager à une majorité de citoyens ! Car c'est bien d'une dynamique européenne dont nous avons besoin pour remettre les Gauches en capacité de projet mobilisateur.