Jean-Pierre PERRIN "La mort est ma servante"

Publié le par Henri LOURDOU

 

Jean-Pierre PERRIN "La mort est ma servante", Fayard, 2013, 332 pages.

 

"La Syrie, comme le fut à son époque l'Espagne de la guerre civile,

est devenue la métaphore du pourrissement du monde." (p 317)

 

Sous-titré "Lettre à un ami assassiné – Syrie 2005-2013", ce livre est avant tout un hommage rendu à cet ami tué par un attentat à la voiture piégé le 2 juin 2005 à Beyrouth. Un attentat ciblé et organisé par les services secrets syriens, comme beaucoup d'autres dans cette région.

Cet ami, Samir Kassir, était un intellectuel démocrate de gauche d'origine palestinienne, éditorialiste au quotidien libéral "an Nahar". Il avait joué un rôle important dans le "printemps de Beyrouth" qui avait suivi l'assassinat de Rafic Hariri premier ministre libanais de 1992 à 2004 . Celui-ci avait eu le tort de vouloir émanciper son pays de la tutelle syrienne.

Suite à la grande manifestation du 14 mars 2005, où un million de Libanais, près du tiers de la population, avait occupé la rue à Beyrouth, les troupes syriennes avaient dû évacuer le pays.

La réponse ne s'était pas faite attendre...

 

Le livre alterne les récits de deux séjours de l'auteur, reporter à "Libération", dans la Syrie en guerre en 2012 ( en février à Homs puis en août à Alep), avec ses souvenirs et ses analyses, liés à son ami assassiné le jour-même où ils avaient rendez-vous.

Ce qui en ressort est le caractère impitoyable d'un régime qui fait penser à bien des égards au régime nazi, la pitoyable cécité des démocraties, et le caractère de plus en plus international d'un conflit qui menace de s'étendre aux pays voisins.

En résumé : faute d'avoir apporté aux démocrates syriens, qui manifestaient pacifiquement au printemps 2011, le soutien qu'ils étaient en droit d'attendre, les démocraties ont ouvert le champ aux affrontements armés qui ont aujourd'hui dégénéré en concours de barbarie des différentes factions qui se partagent l'espace syrien, avec le soutien ou la complicité de différentes puissances étrangères (l'Iran et la Russie d'un côté, avec l'aide du Hezbollah libanais et des milices chiites irakiennes, l'Arabie saoudite et le Qatar de l'autre, avec un petit coup de pouce d'Israël le cas échéant, et les encouragements justes moraux des Occidentaux, en particulier des Américains, le jeu de la Turquie étant ambigü, en raison de l'intervention du facteur kurde du côté des rebelles.)

Dans ce champ de ruines, la seule certitude est la catastrophe humanitaire que vit ce pays : 3 millions de réfugiés ont fui cet enfer, dont la plupart ne savent plus où aller. Le Liban voisin accueille à lui seul plus d'1 million de réfugiés.

Pour ceux qui restent, la famine et les maladies menacent de plus en plus au même titre que la mort violente. Et le monde reste paralysé par les atermoiements et les calculs des grandes puissances...

Publié dans Syrie

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