Hans-Magnus ENZENSBERGER "Le bref été de l'anarchie-La vie et la mort de Durruti"

Publié le par Henri LOURDOU

 

Hans-Magnus ENZENSBERGER "Le bref été de l'anarchie" (La vie et la mort de Buenaventura Durruti -roman, traduit de l'allemand par Lily Jumel, Gallimard 1975)- collection "L'imaginaire" n°601, 2010.

Ce roman, paru en Allemagne en 1972, est d'une facture singulière. Entièrement bâti sur des citations référencées d'époque ou de témoins rencontrés par l'auteur en 1971, le plus souvent en France, il n'est entrecoupé que de 8 interventions personnelles de l'auteur, intitulées "gloses", qui recontextualisent le matériau ainsi rassemblé.

Le tout se lit en effet comme un roman : et sa matière est pour le moins romanesque, car Durruti est une icône, au double sens d'image et d'objet d'adoration des croyants, de la révolution espagnole des années 20 et 30.

Mais au-delà du personnage attachant de Durruti, ce qui ressort, et que j'avais déjà ressenti dans des livres précédents traitant de l'anarchisme espagnol (La guerre d'Espagne d'Anthony Beevor, Les anarchistes espagnols d'Edouard Waintrop), c'est l'héroïsme collectif de ces militants, plus que leurs limites maintes fois soulignées (naïveté politique, manque de stratégie, puritanisme et machisme inconscients). Et une exemplarité morale qui reste pour moi intacte.

C'est ce que résument bien les extraits suivants de la 8e "glose" de l'auteur, intitulée "Sur le vieillissement de la révolution":

"Les rêves de la "société de loisirs", les utopies de l'oisiveté sont pour eux paroles creuses. Dans leurs petits logis, il n'y a pas de superflu; gaspillage et fétichisme des biens de consommation leur sont inconnus (...) Il vivent avec une parcimonie qui ne leur pèse pas. En silence, sans polémique, ils ignorent les normes de la "Consommation".

L'attitude des jeunes face à la culture leur paraît inconcevable. Ils n'arrivent pas à comprendre le mépris des "situationnistes" pour tout ce qui peut avoir un arrière-goût éducationnel. Pour tous ces vieux ouvriers, la culture c'est quelque chose de bon. Cela n'a rien d'étonnant, car ils ont payé de leur sang et de leur sueur la conquête de l'alphabet. Dans leurs obscures chambrettes, il n'y a pas de poste de télévision, mais des livres (...)

Ces révolutionnaires d'une autre époque ont vieilli, mais ils n'ont pas l'air fatigué. Ils ne savent pas ce que c'est que la légèreté (...) La violence leur est familière : le goût de la violence leur est profondément suspect (...) Ce ne sont pas des mélancoliques (...) Leur dignité est celle de gens qui n'ont pas capitulé (...) Leur conscience est intacte (...) Leurs défaites ne leur ont point enseigné le mal (...) Ces vieux hommes de la révolution sont plus forts que tout ce qui leur a succédé." (p 393-394)

Une chanson sur Durruti

Los Solidarios de Chicho Sanchez Ferlosio

Historia de tres amigos/De la dulce libertad:/ Si se hicieron anarquistas,/ No fue por casualidad./Buenaventura Durruti/ Ascaso y García Oliver/ Llamados Los Solidarios/ Que desprecian al Poder/

Buscados y perseguidos/ Por el campo y la ciudad,/ Si acabaron en la cárcel,/ No fue por casualidad./Buenaventura Durruti/ Ascaso y García Oliver:/ Tres hojas de trébol negro/ Contra el viento del Poder./

Siguiendo con su costumbre/ De burlar la Autoridad,/ Si cruzaron la frontera/ No fue por casualidad./Buenaventura Durruti/ Ascaso y García Oliver:/ La negra sombra del Pueblo/ Contra el brillo del Poder./

Después de una temporada,/ Se volvieron para acá,/ Si temblaron los burgueses/ No fue por casualidad./Buenaventura Durruti/ Ascaso y García Oliver:/ Tres balas negras de plomo/Apuntando hacia el Poder/

Publié dans Histoire, voix libertaires

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