E TODD et l'euro
Emmanuel TODD et l'euro :
sus au patronat allemand, ce pelé, ce galeux d'où viendrait tout le mal ?
Décidément, ce n° du 4-5-13 de "Marianne" donne à penser. Après l'éditorial de J.Julliard appelant Hollande à jouer à De Gaulle, voici qu'en fin de n° une interview d'E.Todd, titrée "Goodbye Hollande !", nous offre une analyse très carrée de la crise actuelle et des remèdes à y apporter : tout vient du patronat allemand qui contrôle la politique monétaire de l'Europe et vise ni plus ni moins qu'à ruiner l'industrie française par la surévaluation de l'euro ("il leur faut encore 4 ans pour flinguer définitivement l'industrie française"). Face à ce dessein criminel, personne ne s'oppose : "personne n'ose, hors du Front national, poser la question de la viabilité de l'euro, cette monnaie qu'on doit sans cesse sauver, avec un taux de chômage qui s'emballe et des revenus qui plongent."
Ainsi le docteur Todd nous désigne à la fois le mal (l'hégémonisme du patronat allemand) et le remède (faire exploser la zone euro, donc revenir aux monnaies nationales).
Cela semble si simple qu'on ne comprend l'acharnement de tous nos responsables à vouloir sauver l'euro que comme le fruit d'un étrange aveuglement, voire d'une suspecte complicité avec le patronat allemand (c'est même carrément suggéré par les liens avancés par Todd entre énarques et banquiers qui expliqueraient la position du gouvernement dominé par cette "oligarchie" qui s'en prend faussement aux parlementaires au nom du non-cumul des mandats : "cessons de pourchasser le cumul des mandats, cumul, qui, en assurant aux députés des bases régionales, les aide (sic)à résister au pouvoir exécutif et bancaire."
On croît rêver en lisant cela ! Nos cumulards transformés en résistants contre le pouvoir des banques !
Mais trève de persiflage. Il faut rappeler quelques évidences que notre théoricien, ivre de sa propre audace intellectuelle, a tendance à perdre de vue.
Les notes de lecture du supplément "Eco&entreprise" du "Monde" du 9-5-13 (organe cependant disqualifié par Todd comme haut lieu du "conformisme europhile") vont nous y aider.
Tout d'abord je relève dans la recension du "Dictionnaire terrifiant de la dette" de Marc Touati cette remarque de bon sens : "Dans un contexte économique dépressif, actionner la monétisation des dettes publiques a été possible pour les Etats-Unis qui possèdent la devise de référence, mais le serait aussi pour la zone euro, compte tenu de sa taille et du caractère international de sa monnaie. Alors qu'elle serait dangereuse après un retour au franc, entraînant une flambée des taux d'intérêt et de l'inflation."
Sortir de l'euro n'est donc pas la bonne solution.
Par contre, il est bien évident qu'il faut changer de politique : Marc Touati, tout comme d'autres auteurs, de plus en plus nombreux, prônent un arrêt de la surévaluation de l'euro et une politique monétaire expansive rompant avec l'obsession anit-inflationniste de la BCE.
C'est ce que disent également les 3 ouvrages recensés à côté de celui-ci : "Un new deal pour l'Europe" de Michel Aglietta et Thomas Brand, "5 crises, 11 nouvelles questions d'économie contemporaine" sous la direction de Philippe Askenazy et Daniel Cohen, et "La gauche n'a plus droit à l'erreur" de Michel Rocard et Pierre Larrouturou.
Tous partagent également l'idée que la crise ne se réduit pas à la volonté du patronat allemand de créer un troisième "suicide européen sous direction allemande".
Il y a en effet une complexité des enjeux dont le simplisme toddien ne rend pas compte. En particulier le fait qu'une classique politique keynésienne de relance ne créerait pas par elle-même tous les emplois permettant de résorber le chômage en Europe (point souligné par Rocard et Larrouturou).
Une vraie stratégie de sortie de crise passe par une transformation des procédures de décision et une prise en compte des enjeux écologiques et de l'émergence de puissances nouvelles...autres que l'Allemagne !