Retour sur l'attitude de la CFDT en 2003

Publié le par Henri LOURDOU

Le professeur Généreux, dans sa chronique d’Alter Eco n°216 (pp22-3), pousse le bouchon un peu loin lorsqu’il accuse la CFDT d’avoir « brisé le front syndical le 15 mai » et de pratiquer un « syndicalisme réformiste et dépolitisé ».

Les erreurs tactiques de la direction confédérale CFDT n’ont pas mon indulgence, et j’ai eu l’occasion de l’argumenter à l’intérieur de mon organisation (car je suis et je resterai adhérent et militant de la CFDT). Pour autant, l’honorable professeur pratique des raccourcis qui me semblent symptomatiques de la régression actuelle de la pensée de gauche dans le manichéisme kominternien le plus affligeant.

Tout d’abord, il occulte le fait que la « signature » (sans être formaliste, on rappellera que la CFDT n’a rien signé du tout, mais seulement donné un avis sur un relevé de conclusions) , la  « signature » donc de la CFDT n’est pas seulement le fruit de la volonté gouvernementale de casser le front syndical, ou du « marketing politique » de la CFDT, soucieuse de défendre les salariés du privé (qui sont tout de même 16 millions contre 5 millions de fonctionnaires et assimilés…) ou les cadres. Que dire en effet d’organisations syndicales (FO, la CGT, l’Unsa et la FSU) qui ont tout simplement refusé d’entrer dans la négociation, et donc, de fait, joué, à leur niveau, le jeu du gouvernement ? Un front syndical, que je sache, cela se fait à plusieurs. Or, tout se passe, depuis ce malheureux 15 mai, comme si seule la CFDT était responsable de l’unité intersyndicale.

La tâche de la direction confédérale CFDT n’était pas facile devant ce dilemme incontournable : renoncer à toute négociation et donc placer le débat sur le terrain purement politique, avec un rapport de force très favorable à la Droite libérale (puisque nous sommes encore dans une démocratie représentative où ce sont les électeurs qui décident) ou négocier toute seule ou presque, avec le handicap d’un front syndical brisé…par ses propres partenaires.

On comprend que le professeur Généreux, comme beaucoup de « flagellants du 21 avril », aurait préféré le premier terme du dilemme. Le résultat probable, comme j’ai eu l’occasion de l’écrire contre ceux qui revendiquaient en mai-juin le « retrait du plan Fillon », eût été le retour à la réforme Balladur pour le privé et le statu quo pour les fonctions publiques avec le double effet d’une régression accentuée des pensions du privé (et notamment les bas salaires) et d’une dégradation des services publics (avec une régression des emplois statutaires au profit des emplois précaires relevant du régime général des retraites, et un gel salarial accentué pour financer le coût des pensions à budget égal).

De ce point de vue, l’accord du 15 mai est un moindre mal. Et ce d’autant plus qu’il ne fige rien dans le bronze : son financement aléatoire, présenté par certains comme une faiblesse majeure, est en fait une force potentielle. Les rendez-vous, clauses de revoyures inscrites dans la loi, prévus dans 3 et 5 ans seront l’occasion de rediscuter paritairement évolution des pensions et financement. En espérant que ces fois-ci, les autres organisations ne seront pas aux abonnés absents de la négociation et que le front syndical dont les salariés et retraités ont besoin sera enfin une réalité. Cela ne dépend pas que de la CFDT.

Il serait intéressant que nos chers professeurs remplacent la langue de bois antilibérale par la simple analyse des faits. Personnellement, je ne suis pas contre le libéralisme, mais contre l’injustice, cela suffit à m’occuper.

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