Eduardo GALEANO Les veines ouvertes de l'Amérique latine -B. TRAVEN Rosa Blanca

Publié le par Henri LOURDOU

Eduardo GALEANO Les veines ouvertes de l'Amérique latine -B. TRAVEN Rosa Blanca
Eduardo GALEANO Les veines ouvertes de l'Amérique latine -B. TRAVEN Rosa Blanca
Eduardo GALEANO
Les veines ouvertes de l'Amérique latine
1971, 1981 pour la traduction de l'espagnol par Claude COUFFON, Plon -Terre humaine,
Postface de 1978, et annexe statistique par pays de 1989, index thématique, des lieux et des peuples, des noms; réédition Pocket -Terre humaine poche, 2017, 448 p.


 

Ce grand classique de la collection "Terre humaine", une collection que je prise particulièrement, je ne l'avais jamais lu. Sa découverte tardive n'en est pas moins hautement instructive.

Malgré tout ce que je savais, ou croyais savoir de la colonisation européenne des Amériques, je découvre combien les peuples d'Amérique ont souffert de cette colonisation, et leur terre tout autant.

Loin du récit lénifiant sur le "nouveau monde" et sur le "progrès" apporté par les Européens, je prends la pleine mesure des massacres, desctruction et saccage opérés au fil de cinq siècles par une domination violente, raciste, extractiviste et productiviste, sous l'égide, depuis cinq siècles , non seulement des premiers conquérants espagnols et portugais, mais, très rapidement, des négociants et capitalistes hollandais, anglais puis étatsuniens, ces derniers soutenus par la force militaire de leur Etat fédéral.

Et cela à travers des cycles économiques dominés par l'extraction prioritaire et quasi -exclusive d'une ressource : d'abord l'or et l'argent, puis le sucre, le café, le chocolat, le caoutchouc, le bois tropical, le pétrole et les minerais à usage industriel.

L'expression "pillage d'un continent" n'est pas usurpée. Et les résistances à ce pillage et à la surexploitation de la main d'oeuvre se sont soldées par de nombreux massacres avant qu'un semblant d'indépendance nationale réelle finisse par s'imposer. Au passage, ce sont les peuples indigènes qui ont payé le prix fort, et continuent de le payer, lorsqu'ils ont survécu.

On s'étonne parfois aujourd'hui, en Europe, de l'anti-américanisme quasi-unanime en Amérique latine qui domine les prises de position de ces pays sur la scène mondiale. On en mesure mieux les origines et les raisons après avoir lu ce livre. Utile mise en perspective de l'enquête récente dont je viens de rendre compte "Bois, or, pétrole".

B. TRAVEN
Rosa Blanca
Roman
Traduction de l'allemand de Charles BURGHARD
revue et augmentée par Pascal VANDENBERGHE

1929, 1965 et 2005, La Découverte, 262 p.


 

B.TRAVEN est une légende : écrivain de langue allemande dont on ignore la véritable identité et la date de naissance, il a donné dans les années 1920 et 1930 une série de romans à succès dont certains ont été adaptés pour le cinéma à Hollywood, le plus célèbre étant Le Trésor de la Sierra Madre (1947) de John Huston, avec Humphrey Bogart.

Il aurait passé sa jeunesse en Allemagne où ses premiers écrits sont publiés en 1916 sous le nom de Ret Marut dans une revue anarcho-pacifiste Der Ziegelbrenner (le brûleur de brique). Parti dans le début des années 1920 après l'échec des tentatives de révolution, il mène une vie d'errance en Europe avant de s'installer définitivement au Mexique dans la région de Tampico et de se mettre à l'écriture après une activité de commerçant. Révolté par la misère et l'exploitation des Indiens du Chiapas, il leur consacre plusieurs ouvrages. Il meurt à Mexico le 26 mars 1969, après s'être fait établir dans les années 50 un passeport sous le nom de Traven Torsvan "né à Chicago le 3 mai 1890". (extraits de la notice de l'éditeur, pp 5-6).

Le roman "Rosa Blanca" raconte l'affrontement entre la compagnie pétrolière étatsunienne "Condor Oil Company" et une communauté indienne regroupée dans une hacienda dans la partie septentrionale de l'Etat de Vera Cruz, dirigée par le padrino Hacinto Yañez.

Il s'agit d'un conflit pour la terre, dont l'enjeu est la survie de cette communauté rurale traditionnelle face au rouleau compresseur du "progrès" extractiviste. La vision des choses de Traven n'a rien de caricatural ou de manichéen : il montre bien les ambigüités des uns et des autres face à ce changement brutal mais porté par le courant alors dominant du monde. Mais il a l'indéniable avantage de ne pas occulter la nature raciste des préjugés de supériorité des businessmen, sûrs de leur bon droit et prêts à détourner le Droit pour cela.

Ce conflit, à bien des égards, nous rappelle les positionnements actuels de l'extractivisme-productivisme actuel face à ses opposants écolos, nouveaux alliés de ce qui reste de peuples et communautés autochtones, dans une lutte à l'issue plus incertaine qu'elle ne fut alors. C'est aussi une bonne illustration de ce que raconte Galeano dans l'ouvrage précédent.

Publié dans Histoire, écologie

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