Victor HUGO Histoire d'un crime
Victor HUGO
Ce récit du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, rédigé à chaud à Bruxelles du 14 décembre 1851 au 5 mai 1852 (selon l’auteur qui, raffolant des dates symboliques, fait arrêter la rédaction à la date-anniversaire de la mort de Napoléon-le-Grand, nous signale le préfacier), a été ensuite repris pour publication à une date où, selon lui, il est devenu « plus qu’actuel », c’est-à-dire « urgent ». En effet, ce 1er octobre 1877, où il décide de le publier, on est en plein conflit entre une Assemblée constituante devenue républicaine et un Président monarchiste, Mac Mahon.
Ce fut un succès de librairie qui ajouta à la popularité républicaine de Hugo et contribua encore à son aura d’icône populaire (voir Marc BRESSANT « Les funérailles de Victor Hugo », Michel de Maule, 2012, 86 p.).
Ce qui me frappe le plus à la lecture de ce récit, c’est l’incroyable violence des affrontements de ce temps et le peu de prix accordé à la vie humaine. On a un peu oublié en particulier à quel point ce coup d’État, dans la continuité des violences de février et juin 1848, a saigné le Paris civil, et combien la soldatesque, quoi qu’en puisse écrire Hugo, qui s’efforce de dissocier l’armée des commanditaires du coup d’État, exerce une violence décomplexée au nom de « la consigne », souvent en état d’ébriété avancée (allusion est faite ça et là aux généreuses dotations des troupes en alcool).
Que la consigne de massacre général donnée le 4 décembre par les deux commanditaires exécutifs de Louis-Napoléon, Morny et Saint-Arnaud, ait joué un rôle déterminant n’efface pas ce morne automatisme de la routine militaire, d’un temps qui nous apparaît rétrospectivement barbare.
Quant aux envolées lyriques de Hugo, elles prennent plus de force du contraste entre ses idées de progrès et de non-violence prophétique et cette réalité cruelle.
Enfin, ce qui ressort de tout cela est bien le côté déterminant de la volonté d’écraser à tout prix toute résistance, sans état d’âme, de la capacité à utiliser toutes les faiblesses des adversaires pour arriver à ce but. De ce point de vue, le coup d’État du 2 décembre a un côté exemplaire.
Inversement, la résistance persistante de Hugo est tout aussi exemplaire, et sa réussite tardive également, après dix-neuf ans d’exil.
Loin d’être des œuvres de circonstance, tous ses écrits de combat contre le Second Empire, un régime que certains se sont attachés depuis à réhabiliter, à tort selon moi, constituent des références encore actuelles.
La question de la prééminence du Droit sur la Force, des Assemblées sur l’Exécutif est une question d’actualité persistante, et la culture autoritaire qui pèse sur l’Histoire de France également. Car, plus que jamais, « il n’est pas de sauveur suprême, ni dieu, ni césar, ni tribun. »