Du crépuscule...A l'aurore sociale, démocratique et écologique
C'était un temps crépusculaire
On n'y voyait pas à deux pas
Beaucoup de gens étaient colère
Même s'ils ne savaient pas bien pourquoi.
Soyons objectifs : il y a encore des gens qui prétendent y voir clair et nous indiquer la voie à suivre. Ainsi j'assistais l'autre soir à un exposé du député Eric Coquerel, de LFI, qui nous montrait l'objectif à atteindre : obliger Macron à démissionner à travers une censure du gouvernement Bayrou à laquelle il suffirait d'acculer le RN en choisissant le bon terrain (pas l'immigration en tout cas, comme l'a fait le PS). Avec l'analyse que la droite radicalisée est l'instrument politique docile de l'oligarchie ultra-libérale dont Macron est l'agent passif. Et l'idée qu'en cas de présidentielle anticipée tout se jouera entre la gauche radicale et l'extrême-droite, avec une chance inédite de victoire pour la gauche radicale.
Cela fait beaucoup de présupposés dont certains n'ont rien de sûr. Mais il faut rassurer et mobiliser le militant et le sympathisant... A défaut de l'électeur de gauche qui, comme l'intendance, suivra...
Bien malin qui peut aujourd'hui préjuger de la majorité électorale. Mais une chose est sûre : la priorité devrait être de rassembler l'électorat de gauche et antifasciste, et pour cela de pointer des objectifs désirables plutôt que des traîtres et des sauveurs suprêmes.
Or ces objectifs désirables sont présents dans le discours LFI en même temps que la stigmatisation des traîtres (du PS) et l'obsession de la démission de Macron, ainsi que le mépris pour les partenaires qui n'épousent pas ces deux passions tristes, basées sur la colère. Et ce sont ces derniers qui tendent à prendre le dessus...
Un peu plus de lumière sur les objectifs désirables
Ainsi j'ai bien apprécié le rappel par Eric Coquerel des mesures fiscales proposées par le NFP (tout le NFP !) visant à revenir sur les cadeaux aux ultra-riches (les 0,01%) des sept dernières années qui sont à l'origine (aux dires même de Gabriel Attal devant la commission parlementaire sur la dérive des comptes publics) du creusement du dérapage du déficit budgétaire des deux dernières années.
Dommage qu'il ait cependant appuyé ce constat sur des chiffres trop fantastiques pour être vrais (le patrimoine des 0,01% serait passé selon ses dires de 20% du patrimoine national en 2017 à 42% en 2022 : or, les chiffres que j'ai trouvés sont bien en-deçà, même si la tendance est bien à la concentration des richesses.)
En réalité, les chiffres donnés par E Coquerel se réfèrent au PIB et non à la répartition du patrimoine entre Français :
En 2023, le patrimoine cumulé des 500 plus grandes fortunes de France a atteint 1 170 milliards d'euros, ce qui représente 45 % du PIB français. Cette proportion a considérablement augmenté par rapport aux années précédentes, où en 2009, par exemple, ce montant n'était que de 194 milliards d'euros, soit 10 % du PIB de l'époque.
C'est en effet spectaculaire, mais quel sens cela a-t-il en termes fiscaux ? Pour savoir comment récupérer une partie de ce patrimoine pour la collectivité, il faut raisonner en tenant compte des possiblités techniques de prélèvement fiscal.
Or ce point est capital : en entretenant l'illusion qu'un pactole est à portée de main, et qu'il suffirait d'un peu de volonté politique pour régler tous les problèmes budgétaires, LFI produit deux résultats politiques négatifs.
Tout d'abord, la sous-estimation d'une nécessaire révision de la dépense publique pour modifier la structure du budget en accord avec les urgences climatique, sociale et sécuritaire.
Et ensuite, plus dommageable politiquement, comme on le voit dès à présent, la transformation en "traîtres" de tous ceux qui ne partagent pas cette vision simpliste, manichéenne et magique de l'action politique.
On préfèrera à cette approche, celle, plus pragmatique, portée par les députées Eva Sas et Clémentine Autain, qui proposent une taxation du patrimoine des 0,01% visant à réduire le déficit sans tailler à la hache dans les dépenses comme le fait le budget Bayrou. La mesure qui porterait sur 4000 contribuables, rapporterait 15 à 25 Mds €. Elle sera discutée dans le cadre de la "niche parlementaire" des députés du groupe écologiste et social le 20 février.
Mais cela n'épuise pas la question. Car, face à un monde complexe et qui change à toute allure, nous sommes confrontés à des dénis collectifs, qui sont des effets de la sidération traumatique subie par tout un chacun.
Ces dénis s'appuient aussi sur des habitudes fortement ancrées.
On voit bien ainsi qu'il est nécessaire de nous émanciper de l'imaginaire consumériste. Et cela demande un effort particulier.
Car notre déni de l'urgence écologique est un réflexe quasi-naturel, cultivé de plus par les principaux responsables de la catastrophe en cours.
Et cette urgence appelle des réponses inédites qu'il faut imaginer et mettre en oeuvre.
Ces réponses passent par une forme de sobriété à l'opposé de l'imaginaire consumériste, accélérationniste et illimitiste qui nous enveloppe de toute part.
Faute de ce travail collectif d'émancipation, il serait vain de s'opposer à des politiques ultra-libérales portées par cet imaginaire consumériste.
Un peu plus de vraie radicalité
Nous sommes condamnés à la radicalité par une situation qui radicalise les enjeux : l'urgence écologique, l'urgence sociale...et l'urgence sécuritaire face à l'alliance Poutine-Trump.
Rien ne nous garantit qu'elle sera portée par une "gauche radicale" qui simplifie outrancièrement la situation et refuse de voir l'urgence sécuritaire.
C'est à ce prix que nous passerons du crépuscule à l'aurore sociale, démocratique et écologique. Le chemin est obscur, mais l'objectif est clair. Gardons-le en tête et méfions-nous des vendeurs de potion magique.
Et apprêtons-nous à marcher dans la pénombre, voire dans le noir, pour quelques temps.