Marine TONDELIER Nouvelles du front

Publié le par Henri LOURDOU

Marine TONDELIER Nouvelles du front
Marine TONDELIER
Nouvelles du front
LLL Les Liens qui Libèrent Poche, 2024, réédition de 2017
avec une préface datée du 28 juillet 2024, 222 p.


 

Ce livre écrit en 2017 à la veille de l'élection présidentielle qui vit s'affronter au 2d tour Emmanuel Macron et Marine Le Pen, avec un score inédit pour la candidate de l'alors encore Front National, nous avertissait de la stratégie en cours de "dédiabolisation" à partir du laboratoire municipal d'Hénin-Beaumont, commune de naissance de Marine Tondelier, où elle a choisi de continuer à habiter et de militer.

En 2014, après vingt ans de persévérance, Steeve Briois, militant du FN de longue date, cueille la ville anciennement minière du Pas-de-Calais comme un fruit mûr, au terme d'une longue déliquescence de la gauche locale, enracinée pourtant depuis plus d'un siècle.

Un des mérites du livre est de nous tracer avec clarté et vigueur les raisons et les étapes de cette déliquescence.

Malgré un mandat de la dernière chance plutôt honorable, passé à réparer les dégâts financiers d'un mandat précédent particulièrement calamiteux, d'un jeune prédécesseur parachuté et totalement hors contrôle, le maire sortant, PS, à la tête d'un liste d'union de la gauche et des écologistes, perd au 1er tout avec 3 829 voix contre 6 006 à la liste Briois, qui franchit de peu la barre des 50%;

Pour y parvenir, il n'a pas hésité à mettre en sourdine les thèmes majeurs du FN (notamment l'immigration) et à tenir un discours social adapté à l'électorat local, en ciblant les turpitudes de la gestion socialiste passée et en promettant des lendemains qui chantent à une population désabusée. Il a lissé le discours et la pratique dans le sens de la convivialité et de la bienveillance en s'affirmant quasiment plus à gauche et plus social que la gauche. Présent dans toutes les fêtes, les marchés, les associations, faisant des risettes à tout le monde, il se présente comme le futur maire sympa et proche des gens.

Cette démagogie est payante. Mais ce n'est qu'une façade. Et c'est ce que vont découvrir rapidement un certain nombre d'Héninois-es et de Beaumontais-es, ceux-celles qui sont les plus engagé-es dans la vie administrative, sociale, culturelle, sportive et politique de la ville.

En réalité, les cadres du FN qui s'emparent des postes-clés sont fidèles à ce qu'a toujours été le fascisme depuis sa naissance, il y a un siècle : menteurs comme des arracheurs de dent, autoritaristes, machistes, pervers, violents et racistes.

Toutes les anecdotes patiemment recueillies et analysées par Marine Tondelier, dont c'est le premier mandat municipal, le démontrent avec éclat.

À noter toutefois que la violence a changé de nature depuis le premier fascisme historique : on ne casse plus les genoux sur les bords de trottoir aux adversaires politique, on ne leur fait pas boire de l'huile de ricin pour leur provoquer des coliques chroniques qui les empêchent de reparaître en public. La violence n'est plus directe et physique, elle est indirecte et mentale : cyberharcèlement, harcèlement téléphonique, campagnes de rumeurs d'origine souvent anonyme... et donc difficiles à attaquer. Il s'agit de casser moralement l'adversaire.

Cela commence par la gestion des cadres administratifs de la municipalité : une gestion par le stress très sélective, visant à faire craquer les "éléments indésirables". Cette gestion est doublée, au niveau de l'ensemble du personnel par la mise en place d'un système de surveillance généralisé qui crée une ambiance paranoïaque.

Cela continue par le tri très politique dans les associations, entre celles méritant de survivre grâce à l"aide de la municipalité, et celles refusant son contrôle, donc condamnées à la privation de toute aide ou subvention.

Ainsi le pouvoir du maire et de son équipe tisse sa toile depuis le centre jusqu'à la périphérie, en pratiquant le très classique clientélisme et en privilégiant fêtes et événements festifs rassemblant un peuple totalement dépolitisé.

Mais la politique n'est pas loin : grâce à la communication et aux réseaux sociaux, aux discours officiels, l'idéologie frontiste est peu à peu introduite et appuyée comme ailleurs sur le fait divers et les attaques mensongères contre les élu-es d'opposition. Ainsi peu à peu infuse le discours xénophobe basé sur la peur d'une invasion fantasmée, dont la gauche se ferait la complice.

Malgré la vaillante résistance d'une poignée d'élu-es et de militant-es associatifs et syndicaux, le désespoir et la démobilisation gagnent l'électorat de gauche face à ce véritable rouleau compresseur.

Marine Tondelier ne nous le cache pas : un tel système est très difficile à combattre, même si le combat peut parfois payer. Le vaincre sera un travail de longue haleine.

En 2020, sur fond de Covid, l'élection donne à la liste Briois une très large avance, et la liste de la gauche unie, emmenée cette fois-ci par Marine Tondelier, se retrouve avec 3 élu-es seulement contre 6 au mandat précédent.

La leçon en tout cas est claire : ne jamais laisser les clés du pouvoir aux démagogues de l'extrême-droite. Malgré leurs sourires de façade, ils en usent ensuite avec le sectarisme, le cynisme et la violence de tous leurs prédécesseurs.

C'est pourquoi le combat antifasciste ne permet pas la moindre prise de risque à ce niveau. Rassembler tous les républicains sincères est un devoir primordial. Nous devons aujourd'hui en mesurer toute la nécessité.

C'est dans cette expérience éprouvante de terrain que Marine Tondelier a forgé ses convictions et sa détermination. Elle en fait aujourd'hui profiter tous les écologistes et toute la gauche. Merci à elle.

Un livre à lire et à faire lire à toustes celleux qui doutent. On en ressort très motivé.

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