Paola PIGANI Le château des insensés

Publié le par Henri LOURDOU

Paola PIGANI Le château des insensés
Paola PIGANI
Le château des insensés
Liana Lévi, 2024, 288 p.


 

On s'intéresse enfin autrement à la santé mentale. C'est d'ailleurs l'objet du dossier du Nouvel Obs du 7-11-24.

Ce roman de Paola Pigani, qui prend comme objet l'hôpital de Saint-Alban (Lozère) de 1939 à 1945, est donc bien dans ce nouvel état d'esprit, dont François Tosquelles, arrivé à Saint-Alban dans ces années-là, et ceux avec qui il travailla alors, le couple de psychiatres Balvet et Lucien Bonnafé, mais aussi tout le personnel, religieuses et infirmiers qui les suivirent, la population du village qui s'intégra à l'aventure, furent des pionniers.

Le fait de refaire des insensés des personnes à part entière et de partir d'elles et non des normes et a priori des médecins et de la société, constitue une véritable révolution, ou plutôt une révolution véritable. Dans le sens où le changement initié, pour avoir été long et parsemé d'obstacles, n'en est pas moins solide et quasi-irréversible.

Éclairant ce chemin, les deux personnalités, aujourd'hui devenues célèbres, de l'Art brut, que sont Auguste Forestier et Marguerite Sirvins, sont parmi les personnages marquants , avec Tosquelles et la soeur Marie-Théophile (ici rebaptisée Rolande, car l'autrice lui prête un journal intime qui accompagne et rythme le récit) qui entourent l'héroïne fictive du récit. Celle-ci, Jeanne, est une jeune femme dont la perte du premier enfant a provoqué le refuge dans le délire. Hospitalisée en région parisienne, elle fait partie des malades transférés à Saint-Alban au déclenchement de la guerre, en septembre 1939.

Cette chronique, riche d'une langue poétique, est à la fois celle de l'hôpital durant cette période (on y croise donc, inévitablement, Paul Éluard et son épouse Nusch, venus passer quelques jours avant d'aller superviser l'impression d'un recueil de poèmes clandestin à Auriilac, et dont l'impression profonde de ces quelques jours donnera à Paul Éluard l'inspiration d'un petit recueil,"Souvenirs de la maison des fous".) et celle d'une sortie de la maladie de Jeanne, qui redevient peu à peu actrice de sa propre vie.

J'ai apprécié cette lecture, où j'ai recherché particulièrement, bien sûr, tout ce qui concernait Marguerite Sirvins. Celle-ci me semble bien perçue par l'autrice, pour ce que j'en sais par ailleurs.

Au-delà, c'est une pierre de plus dans le cairn élevé pour baliser le chemin d'une réintégration des "fous" dans notre commune humanité.

J'avais lu auparavant :

Venus d'ailleurs

Liana Lévi, 2015, 172 p.


 

Dans ce court roman, qui se passe à Lyon, ville d'adoption de l'autrice, nous avons affaire à une soeur et son frère réfugiés kossovars, au début des années 2000, et à leur parcours différent d'intégration à la société française.

Je n'ai été que moyennement convaincu par ce récit. Et je le comprends mieux à la lecture de certaines critiques sur Babelio.

En effet, malgré ses qualités d'écriture, ce récit sonne faux en voulant "trop bien faire" : on frôle la caricature entre la fille avide de s'intégrer à ce nouveau pays en rompant les liens avec le passé, et le garçon nostalgique qui finit par retourner au pays, où l'indépendance annonce un nouveau cours des choses (...qui d'ailleurs va s'avérer sans doute illusoire, car la guerre détruit irrémédiablement les sociétés) .

Apparemment, son premier roman, consacré aux tsiganes, et son dernier, que j'ai sur ma liste, car il parle de l'expérience psychiatrique de Saint-Alban, sur laquelle j'ai déjà beaucoup lu, sont plus convaincants. J'irai donc voir.

Paola PIGANI Le château des insensés
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