Marie-Hélène BAYLAC Louise MICHEL
Cette toute récente biographie, par une historienne de métier non anarchiste, fera référence. Avec à la fois distance et empathie, elle fait le point sur la vie d'une véritable icône historique.
On comprend mieux, à la lire, pourquoi Louise MICHEL ( 1830-1905) fut tour à tour haïe et idolâtrée, pour finalement entrer dans une forme de légende quasi-consensuelle.
Elle a en effet tout de la sainte laïque : ses fulminations violentes se sont progressivement effacées derrière sa perpétuelle sollicitude pour les faibles et les opprimé-es et sa surabondante générosité.
Au surplus, son itinéraire commence par une éducation libérale mais clairement chrétienne. Sa rupture avec la religion sera progressive et sa foi se transférera de Dieu à l'Humanité et à son avenir, sans changer d'intensité. Son anarchisme final fut très clairement de l'ordre du religieux, au sens de sacral, plus que de rituel.
Futuriste par certains côtés (son féminisme et son souci de la souffrance animale), elle fut aussi victime des préjugés de son temps. C'est ainsi qu'attiré par sa biographie en raison d'une lecture parallèle sur la Kanaky, et en ayant connaissance de sa sympathie pour les Kanaks lors de sa déportation en Nouvelle Calédonie (1873-1880), je découvre que la vision qu'elle a d'eux reste eurocentrique et marquée par le darwinisme qui fait des peuples colonisés des peuples condamnés par "l'évolution naturelle". Elle ne voit d'avenir pour eux que dans leur fusion avec "la race européenne" : "Cette race qui s'éteint, au lieu d'être broyée à coups de canon et dépossédée, pourrait contracter des alliances avec la nôtre, ce qui produirait une nation intelligente et forte" (p 147); et il s'agit bien de "conserver ces peuplades en les mêlant à la vieille race d'Europe; les uns donneraient leur force, l'autre son intelligence à une nouvelle génération." (ibid.)
Rarissimes furent ceux qui conçurent alors l'idée d'une égale dignité des différentes cultures et du caractère totalement injustifiable de l'impérialisme européen. Aussi on ne peut guère le lui reprocher.
Il faut cependant aujourd'hui en tenir compte.
De la même façon, on ne peut aujourd'hui adhérer à son scientisme naïf. On sait aujourd'hui que l'évolution de la science et des techniques n'a rien de neutre : à chaque étape des choix sont faits, notamment au niveau technologique, par ceux qui disposent du pouvoir et des capitaux. Que ces choix entrent en résonance avec les aspirations consuméristes et illimitistes des masses n'empêche pas qu'ils auraient pu prendre un autre chemin.
Cela induit une nouvelle approche de l'Histoire qui n'en est qu'à ses débuts. Notamment du fait de la crise écologique globale que nous connaissons.
Pour autant, on reste fasciné par cette vie vouée à la Révolution, une Révolution qui est restée un pur fantasme, mais dont l'idée fut portée par une attention constante aux luttes de ceux d'en-bas dans un esprit totalement désintéressé.
L'activité incessante d'écriture de Louise MICHEL, grande admiratrice précoce de Victor HUGO auquel elle vouait un véritable culte s'est d'abord centrée sur la poésie, puis sur l'écriture de contes et légendes, de romans, de pièces et enfin de témoignages autobiographiques. Ce qui les caractérise est une forme d'emphase poétique qui manque souvent de rigueur, même si le souffle emporte tout.
Aujourd'hui réédités, on peut en mesurer pleinement la portée et les limites.
Bref, un personnage qui reste plutôt sympathique à la revisite.