Résurrection inattendue d'un monstre froid, le léninisme ?

Publié le par Henri LOURDOU

Résurrection inattendue d'un monstre froid, le léninisme ?
Résurrection inattendue d'un monstre froid,
le léninisme ?


 

Voici qu'au détour d'un article du n°1 de "Fracas", "média (autoproclamé) des combats écologiques", je découvre, un peu ébahi, sous la plume de son rédacteur-en-chef, Clément Quintard, une apologie à peine déguisée de....Lénine !

Sous le titre "Lénine dans l'anthropocène" (pp 68-71), il réhabilite l'inventeur incontestable du Goulag, personnage charismatique, monomaniaque et manipulateur, promoteur de l'injure, du sectarisme et du cynisme tacticien au sein du mouvement ouvrier, contre le "sentimentalisme petit-bourgeois" (un leitmotiv dans sa bouche et sous sa plume) et les principes mesquins des "droitsdelhommistes".

Certes, nous concède-t-il d'emblée, il ne fut pas un écolo, "Lénine fut aussi, comme tous les socialistes de son époque, le fervent défenseur du progrès technique et d'un développement à plein régime des forces productives" (p 69). Mais "certaines de ses thèses sur l'État et sur la prise du pouvoir sont aujourd'hui revisitées à l'aune de la crise climatique, suscitant au passage de nombreux (et stimulants) débats." (ibid.)


 

Hélas ! Hélas ! Hélas ! Mais quels "stimulants débats" peut-on tirer d'un tel fiasco historique ?

Au dire de ses nouveaux thuriféraires, Lénine (et le léninisme) nous auraient apporté "des outils conceptuels qui restent (...) pertinents." (ibid). Ce qui permet de "remettre au centre du débat un thème relativement absent chez les écolos : la nécessaire coercition dont il va falloir user face au capitalisme fossile." (p 70)

On se frotte les yeux : vous voulez parler de "l'écologie punitive" dont la Droite et l'Extrême-Droite nous rebattent les oreilles ? Car il s'agit bien en l'occurrence de mesures coercitives contre le capitalisme fossile (et non contre le "peuple" comme ils le prétendent) proposées par les écolos ?

En fait non, nous aurions, nous écolos partisans de l'État de droit, oublié "à quel point l'État n'est pas "neutre" : en régime capitaliste, son pouvoir consiste à organiser la dictature de la bourgeoisie sur le prolétariat." (ibid.) Pauvres naïfs que nous sommes ! Ça n'est pourtant pas très compliqué à comprendre ! Il ne sert à rien de changer les lois, où d'en faire de nouvelles tant qu'on n'a pas remplacé cette dictature par celle du prolétariat. Et ça, il suffit de l'organiser. C'est la thèse rappelée par Marina Garrisi, autrice de "Découvrir Lénine", Editions Sociales, 2024.

Où est ici la naïveté ?


 

Mais deux autres arguments sont convoqués par nos néo-léninistes.

Le premier par Jean-Jacques Lecercle (p 71) est d'ordre historique : "les partis de type léniniste, fondés à l'origine sur le centralisme démocratique, sont les seuls à être parvenus à interrompre durablement la reproduction du capital".

Celui-là, il fallait l'oser ! Faut-il rappeler le bilan humain du "socialisme réellement existant" selon feu Léonid Brejnev ? Celui du pouvoir de Mao en Chine ? Etc... Et ne peut-on suggérer un autre "débat stimulant" : celui du rapport entre le parti léniniste chinois actuellement au pouvoir et la relance de la reproduction du capital en Chine ?


 

Mais cet argument sert en fait d'illustration concrète au second argument, plus abstrait, selon lequel , face à un adversaire centralisé et disposant pour cela d'une capacité d'anticipation et d'une force de frappe inégalée, il faut opposer un "parti centralisé" pour combler les faiblesses du "double pouvoir" spontané et dispersé des luttes radicales de type ZAD.

Cette réinvention de l'eau tiède fait peine à lire par son ignorance et sa naïveté.


 

Elle traduit, on le comprend, une forme d'impatience face aux enjeux présents. Mais également une inculture historique préjudiciable.


 

Face à cela, nous devons rappeler, inlassablement, la double nécessité d'une vraie mémoire des luttes, et d'une stratégie de rupture qui ne peut hélas qu'être complexe et laborieuse à mettre en place, car elle ne peut, sous peine d'échec assuré, qu'être fondée sur le double respect de l'État de droit et des droits humains, tout en tenant compte du fait que nous sommes à présent dans un monde globalisé.

Non : le léninisme est bien mort. Laissons-le reposer en paix. Et passons à autre chose.

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