Du nouveau sur l'origine de la violence ?

Publié le par Henri LOURDOU

Du nouveau sur l'origine de la violence ?
Du nouveau sur l'origine de la violence ?


 

Sur ce sujet, j'ai déjà pas mal écrit, mais voilà que je découvre encore du nouveau dans un entretien au supplément "science & médecine" du "Monde", daté 30-10-24.

Il s'agit d'une entrevue avec le médecin épidémiologiste Jean-David ZEITOUN, à propos de son livre "Les causes de la violence" (Denoël, 256 p, 20 €).

Il revient sur les causes de ce qu'il appelle "la violence ordinaire", celle exercée par des gens considérés comme "normaux" et documentée à travers les statistiques d'homicides. Celle-ci constitue de loin la plus grande partie des homicides constatés, les psychopathes n'en perpétrant qu'une petite minorité.

Un rappel : la baisse historique de la violence "ordinaire"

Il remet en perspective l'importance statistique de ces homicides (ce qui n'est pas nouveau, mais doit être sans cesse rappelé) : cela constitue aujourd'hui "0,16% des causes de décès en France, alors même que c'est un sujet de préoccupation, voire d'obsession pour la société."

Il met cette obsession en rapport avec "le processus de civilisation (qui) fait que nous trouvons la violence insupportable, raison pour laquelle on en parle plus que ne semblerait le mériter son importance factuelle." Et il ajoute : "Aujourd'hui on a beaucoup moins de chance de mourir d'homicide qu'il y a 150 ans, et énormément moins qu'il y a 500 ans.

On pense que la violence a été divisée par 50 en 500 ans. Il n'y a pas une maladie chronique pour laquelle on ait obtenu des résultats aussi exceptionnels."

Je reviendrai plus tard sur ce fameux "processus de civilisation", théorisé par Norbert Elias, et sur son inversion possible en "processus de décivilisation"...

Cause à écarter : l'hérédité

Revenant ensuite sur l'historique des théories scientifiques sur l'origine de la violence "ordinaire", il fait un sort à celle de Cesare Lombroso (1835-1909), premier à avoir mené des études "suggérant que des individus étaient génétiquement prédisposés à la violence". Celles-ci étaient entachées de nombreux biais, et donc non concluantes.

Les tentatives d'isoler le facteur génétique à travers des études portant sur des jumeaux ne se sont pas avéré non plus conclusives : le facteur génétique tombe in fine à quelques pourcents.

Ce qu'apportent les études épidémiologiques

Trois classes de causes de la violence émergent de ces études. Or, "ces causes sont en interaction les unes par rapport aux autres, c'est-à-dire qu'elles s'expliquent les unes les autres ou qu'elles se renforcent les unes les autres, et elles sont présentes ensemble chez les individus. Ce qui est aussi une raison, à mon sens, pour laquelle ce sont un peu toujours les mêmes qui se comportent violemment."

Ces trois types de causes sont : "la culture, les difficultés de la vie que j'appelle les expériences négatives, en particulier celles qui surviennent dans l'enfance; et des facteurs physiques variés."

Ainsi, "si la biologie entre en jeu, c'est parce que l'exposition précoce à des expériences négatives change les organismes des enfants. Mais il s'agit d'une acquisition précoce, et non pas de quelque chose d'inné : les enfants confrontés à des expériences traumatiques deviennent plus impulsifs et plus insensibles, ce qui augmente quasi mécaniquement et de beaucoup leur probabilité d'être agressifs plus tard et donc de se comporter violemment."

On songe ici à toutes les expériences de guerre auxquelles sont soumis aujourd'hui des enfants et à l'engrenage de la violence que cela va entretenir, au-delà-même des logiques de vengeance. C'est un argument puissant en faveur des cessez-le-feu systématiques que la communauté internationale devrait imposer.

Quant aux facteurs physiques, on voit émerger un facteur en lien avec le changement climatique : les pics de chaleur "qui expliquent et augmentent la probabilité de violence. Les gens dorment moins, donc ils sont plus irritables, ils sortent plus, ce qui augmente mécaniquement la probabilité de se confronter aux autres."

Là encore, on voit le lien avec une orientation politique à promouvoir : la réduction drastique (et pour l'instant mal engagée) des émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, concernant les causes culturelles, "elles sont puissantes, mais très difficiles à étudier d'un point de vue scientifique, puisque assez impalpables."

Un exemple cependant "nous vient tous à l'esprit, ce sont les Etats-Unis. Alors que dans l'ensemble, la prospérité économique est associée à une baisse de la violence, ils en offrent un contre-exemple, avec 5 à 7 fois plus d'homicides par habitant qu'en Europe."

Un élément est facile à identifier dans les causes de cette différence : la libre circulation des armes, qui relève à la fois du législatif et du culturel.

Lié à cela, l'éducation des garçons est un facteur sans aucun doute beaucoup plus explicatif que la biologie (l'hypothèse sur la testostérone paraît très simpliste et est en tout cas non prouvée) dans le fait que "les hommes sont 8 ou 9 fois plus violents que les femmes".

Prévenir la violence : comment ?

À l'évidence, il faut partir des causes mises ci-dessus en avant. Sur le court terme, les facteurs physiques ( éviter pics de chaleur, alcool et autres désinhibiteurs d'agressivité, disponibilité des armes), sur le moyen terme les expériences négatives précoces (extraction des familles violentes, évitement des guerres et conflits violents pour les enfants) et sur le long terme, la culture (fin d'une éducation des garçons fondée sur un virilisme toxique).

Or, constate notre épidémiologiste, "on n'a jamais entendu un ministre de l'Intérieur dire, pour améliorer les statistiques criminelles, qu'il faudrait faire en sorte que les gens aient moins envie ou moins d'impulsions de se comporter violemment. On entend uniquement parler de la répression, et de la punition qui est nécessaire, mais pas toujours efficace, en tout cas telle qu'elle est proposée."

Et, en effet, le problème commence là.

Du nouveau sur l'origine de la violence ?

Post-Scriptum : Guérir le stress post-traumatique.


 

Étroitement liée à celle de la violence, la question du stress post-traumatique, longtemps occultée, notammentdans le milieu militaire qui en est pourtant fortement affecté, est de plus en plus abordée et traitée.

En témoigne cet autre article du supplément "science&médecine" du "Monde" du 23-10-24. Il nous montre qu'il n'y a aucune fatalité à subir les effets, notamment violentogènes, de ce stress. Une voie de plus pour prévenir la violence.

Publié dans Histoire

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