Migration : le durcissement allemand, comment l'expliquer pour le combattre

Publié le par Henri LOURDOU

Migration : le durcissement allemand
comment l'expliquer pour le combattre.

 

Commentant la position anti-droits humains des social-démocrates danois et suédois, je prédisais le ralliement des social-démocrates allemands à leur position. Voilà qui est fait. Avec la caution, que je regrette, des Grünen, les écologistes allemands. J'espère encore qu'ils sauront sauver leur honneur terni.

 

 

Deux raisons alléguées : faits divers et progression de l'extrême-droite

 

Les raisons alléguées en sont quelques faits divers récents, ajoutés aux bons scores de l'extrême-droite et de son nouvel allié venu de gauche aux dernières élections régionales.

En effet, dans la nuit du 23 au 24-8 une attaque au couteau par un réfugié syrien de 26 ans sous le coup d'une mesure d'expulsion à Solingen dans l'Ouest de l'Allemagne a fait trois morts et huit blessés. Une tentative d'attentat contre le consulat israélien à Munich a été déjouée le 5 septembre. (Le Monde, daté 11-9-24)

Ces faits divers ont été largement exploités par l'extrême-droite dans sa campagne électorale en Saxe et en Thuringe, les deux länder les plus au Sud de l'ex-RDA.

Les résultats de ces élections tenues le 1er-9 sont sans appel, en Saxe comme en Thuringe.

En Saxe, si la Démocratie-Chrétienne (CDU) garde la 1e place, avec 31,91%des voix, elle perd 0,2% et elle est désormais talonnée par l'AfD, avec 30,63% et une progression de 3,1%. Plus grave, l'Alliance Sarah Wagenknecht (BSW), nouvellement créée sur une ligne anti-migrants et anti-Otan, fait s'effondrer la gauche radicale issue de l'ancien PC Est-allemande , Die Linke, de 10,47% à 4,47%, et effectue une arrivée remarquable avec 11,81%.

En Thuringe, plus spectaculaire encore, l'AfD ravit la 1e place à Die Linke, qui dirigeait le land : avec 32,84%, elle progresse de 9,4%, alors que Die Linke s'effondre de 31,05% à 13,05%; et BSW la dépasse avec 15,77%. La CDU progresse, elle, de 21,75%à 23,61%.

En face, les trois partis de gouvernement (SPD, Grünen et FDP) font piètre figure : déjà peu implantés dans ces deux Länder, ils reculent encore tous les trois, spécialement les Grünen.

La perspective d'une nouvelle élection dans le Brandebourg (land de Berlin) le 22-9 a précipité la décision du gouvernement Scholz.

Je reviendrai sur ces faits, mais les raisons sont d'abord aussi à chercher ailleurs.

 

L'isolement allemand en Europe sur la politique migratoire

 

Même si des inflexions inquiétantes étaient déjà perceptibles avant la spectaculaire décision du 9 septembre de la ministre de l'intérieur SPD Nancy Faeser de restaurer des contrôles systématiques aux frontières pour refouler les migrants illégaux, "tirée vers la gauches par les Verts, l'Allemagne a été éloignée du barycentre européen sur la question migratoire ces dernières années" ("Le Monde", 14-9-24).

Son souci du respect des droits humains n'était pas partagé par la plupart des gouvernements de l'UE.

Ceux-ci, sont sous la pression d'une quinzaine d'Etats membres, menés par l'Autriche et le Danemark, l'Italie ou la république tchèque (qui) réclament à l'exécutif européen "d'identifier , d'élaborer et de proposer de nouveaux moyens et de nouvelles solutions pour prévenir l'immigration irrégulière en Europe." ("Le Monde", 14-9-24)

Dans leur boîte à idées, notamment celle d'externaliser les demandes d'asile hors d'Europe, idée des social-démocrates danois que j'ai déjà commentée ici (voir lien en début d'article). Idée qui se double bien sûr d'un contrôle accru aux frontières.

Cette façon de "casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre" aura bien sûr pour effet de renforcer au contraire l'immigration illégale en la rendant seulement plus dangereuse et plus chère.

En plus d'une honte morale, la gauche allemande aura cautionné une politique inefficace.

 

 

Exploitation des faits divers et montée électorale de la xénophobie

 

Le mécanisme est toujours le même : exciter des affects négatifs, déjà présents (le racisme postcolonial), à partir de faits divers sanglants dont l'explication est ramenée à une causalité simpliste : la présence d'exilés venus de pays à culture stigmatisée et diabolisée.

Ce mécanisme cependant ne fonctionne que sur une fraction de plus en plus minoritaire de la population, au fur et à mesure que que s'élève son niveau culturel et sa tolérance à l'altérité.

Mais, et c'est le fait électoral à remarquer, la mobilisation de ces affects négatifs ramène au vote des populations qui en étaient éloignées. Par exemple, il est notable que la participation électorale en Saxe et et Thuringe ait progressé respectivement de 7,9% et 8,7% par rapport aux élections de 2019.

 

La parade démocratique : amener aux urnes la jeunesse antiraciste et rassembler autour d'un discours positif

 

C'est la remarque de bon sens que fait la politiste Nonna Mayer dans une tribune que je viens de commenter ici. Elle remarque que la progression de l'extrême-droite dans les urnes s'accompagne en effet d'un taux différentiel d'abstention des populations hostiles à ses idées. De ce point de vue, Jean-Luc Mélenchon, récemment stigmatisé pour cela, n'a pas tort.

A nous de mobiliser ces populations autour d'un récit positif et rassembleur (et c'est ici que Mélenchon s'est planté dans la dernière période).

 

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