Ilan HALEVI Question juive
Avec cet ouvrage, présent dans ma bibliothèque depuis 50 ans, et que je n'avais pas encore lu, je reviens sur cette question israélo-palestinienne réouverte depuis le 7 octobre 2023,
Ilan Halevi, qui nous a quitté en 2013, faisait partie de ces rares intellectuels d'extrême-gauche israéliens (né en 1943 en France, il avait rejoint Israël en 1967) qui avaient entamé une critique radicale du sionisme, en tant qu'idéologie nationaliste au sein d'un groupe pluriel, le Matzpen, issu d'une exclusion du Parti Communiste d'Israël en 1962, qui rassembla jusqu'au début des années 80 l'ensemble des courants d'extrême-gauche anti-sionistes. Le sigle Matzpen signifie Organisation Socialiste en Israël. Il n'existe plus aujourd'hui que comme site internet rassemblant toute une documentation historique et critique , il avait aussi donné naissance à une revue, en 1975, Khamsin, dont je possède le n°1.
Durant toute cette période des années 70 où le courant "gauchiste" avait le vent en poupe, les débats furent riches autour de la question israélo-palestinienne, qui n'était alors pas réduite à une opposition de nature religieuse-identitaire.
Ilan Halevi avait rejoint le Fatah et soutenait la position pragmatique qui finit par s'imposer au début des années 90 des "deux Etats".
Dans cet ouvrage de 1981, il pose les bases historiques qui fondent cette position.
D'une grande érudition, abondamment sourcée, ce livre exigeant nécessite une lecture attentive. Car, loin des schémas simplistes, il s'efforce à la fois de rendre compte de réalités historiques trop souvent oubliées ou négligées par les idéologues, et de penser leur sens de façon rationnelle et cohérente.
A cet égard, Ilan Halevi récuse les schémas binaires et exclusifs auxquels ont recours la plupart des idéologies militantes des deux bords opposés.
Dans une page très éclairante, et plus actuelle que jamais, il dénonce le fait que la "question palestinienne" soit posée en réduisant les termes du problème à un "petit psychodrame manichéen" (p 10) : "La réduction sioniste du nationalisme arabe à une variante de l'antisémitisme répond ici à la réduction radicale du sionisme à une simple fonction du système de domination occidentale sur l'Orient arabe." (ibid.)
Ce qui l'a amené au projet de ce livre : "Il faut donc tenter de relire cette histoire autrement. Point besoin pour cela d'inventer, à peine de découvrir. Il suffit de n'avoir rien oublié, de ne rien censurer, de rapprocher des omissions et des convergences, de recouper et d'éclairer." (ibid)
En reprenant une Histoire juive laïcisée et débarrassée des téléologies religieuses, il montre bien, à l'instar d'un Jean-Pierre FILIU ou d'un Pierre VIDAL-NAQUET, en quoi le projet sioniste est éminemment artificiel et contingent, tout en en reconstituant la logique propre et les alliances successives qu'il a contracté avec les Puissances mondiales.
Pour autant, il n'est pas réductible non plus aux stratégies de ces Puissances.
La logique tribale et cléricale du projet a sa trajectoire propre dont on découvre aujourd'hui les conséquences tragiques : en niant l'existence de 50% des habitants actuels du territoire, il se condamne à une guerre perpétuelle... sauf à reproduire les véritables génocides rapportés par la Bible. Perspective terrifiante aujourd'hui difficile à assumer...
Il n'est donc pas envisageable d'éviter la solution à deux Etats, qui devrait à terme, pour des raisons géographiques évidentes, déboucher sur un Etat bi-national. Mais commençons par éviter le pire en sortant de la guerre et en rendant aux Palestiniens la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est.