Combattre l'extrême-droite sur le terrain des idées (2)

Antoine IDIER

LGBT+

Archives des mouvements LGBT+

Une histoire de luttes de 1890 à nos jours

Textuel, 2018, 260 p.

Ce livre constitué de nombreux documents commentés reconstitue la longue marche d'un mouvement d'émancipation multiformes.

S'il remonte à 1890, il aurait pu aller au-delà. Si l'absence de documents substantiels antérieurs à cette période constituait un obstacle en soi suffisant, l'autre raison en est l'accélération progressive des luttes et mouvements d'émancipation à partir de cette période.

On pourrait en effet en dire autant du mouvement féministe auquel ces mouvements sont de plus en plus étroitement liés, mais également du mouvement ouvrier avec lequel ils ont fini par converger, et du mouvement anticolonial avec lequel ils ont également vocation à converger, comme on commence à le voir.

Avec le recul historique, il est frappant de constater que tous ces mouvements d'émancipation sont corrélés avec les mouvements de mondialisation économique, et que leurs reculs temporaires sont également corrélés avec les reculs temporaires de cette globalisation.

On a parlé de 1e mondialisation pour la période 1890-1914 et on l'a comparée avec celle de 1990-2014. Aucun mécanisme économique ne peut cependant amener à conclure à la fatalité d'un nouveau cycle de conflits mondiaux qui répéterait ceux de 1914-18 et 1936-1945, malgré les signes négatifs que l'on voit s'accumuler en Ukraine ou en Israël-Palestine et du côté de Taïwan.

Quoi qu'il en soit, il faut, encore une fois, plaider pour l'Histoire et la mémoire afin de donner à ces mouvements leur pleine dimension et tout leur sens.

Je le ferai ici à travers trois extraits, pour moi très significatifs, de l'ouvrage.

Difficile émergence de la cause Trans

Tardivement sensibilisé à cette cause pour des raisons familiales (je suis père de deux hommes trans), je me suis donc particulièrement intéressé à ce qu'en rapportait ces archives.

J'ai donc découvert , à travers sa nécrologie dans "Libération" du 12 juin 1981, reproduite p 108, l'existence et le rôle de Marie-Andrée Schwindenhammer (1909-1981) créatrice de la première association de défense des personnes transgenres en 1965. On peut également consulter sa notice wikipédia  . On peut mesurer en les lisant le chemin parcouru dans la prise de conscience et l'auto-affirmation de ces personnes longtemps stigmatisées et médicalisées comme des anomalies.

L'AMAOH créée par Marie-Andrée a bien aidé de nombreuses personnes isolées et désespérées, mais au prix d'un affichage médical les faisant passer pour des "malades hormonaux" et d'un narratif victimiste pour se prémunir des persécutions.

Il aura fallu à Marie-Andrée bien de la persévérance et de la ruse pour arriver à faire changer son prénom à l'état-civil après 9 ans de démarches en 1975. Une procédure aujourd'hui devenue courante, mais très récemment.

Ce n'est que progressivement que la transition de genre est ôtée de la Classification Internationales des Maladies CIM) de l'OMS.

Le changement de mention de sexe à l'état civil reste une procédure judiciaire lourde et sa facilitation est qualifiée encore récemment d'"ubuesque" par le Président de la République française. Tout cela sur fond d'offensive anti-trans de la droite et de l'extrême-droite.

La convergence du gauchisme et de la cause homosexuelle

C'est en 1971 qu'émerge un mouvement homosexuel associé à l'extrême-gauche avec la création du FHAR Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire, qui s'exprime publiquement pour la première fois dans un numéro historique du quinzomadaire maoïste "Tout !" que je lisais alors que j'étais lycéen. Je me souviens que cela ne m'avait pas choqué, et que j'associais spontanément cela au féminisme que j'avais aussi découvert dans "Tout !" et dans un numéro de "L'Idiot Liberté" supplément de "L'Idiot International" de cette même époque.

La naissance des Marches des Fiertés

Enfin, c'est en 1982 qu'a lieu en France la première Gay Pride, devenue Marche des Fiertés, importée des USA. Cet événement s'est récemment disséminé dans les villes moyennes, après s'être étendu de Paris aux métropoles. Signe d'un enracinement croissant et d'une acceptation sociale des réalités LGBT+.