Mikhaïl CHEVELEV Une suite d'événements
Ce court roman d'un "journaliste d'opposition connu en Russie", né en 1959, est aussi son premier roman.
Il en a depuis écrit un deuxième, paru en français début 2023, qui approfondit le thème de la continuité entre système soviétique finissant et ère poutinienne.
Je n'ai rien trouvé de plus sur Chevelev : vit-il encore à Moscou, ou a-t-il dû, comme Oulitskaïa, émigrer à la suite de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine du 24 février 2022 ?
Une suite d'événements est le récit par un journaliste qui a traversé les années Eltsine puis Poutine de ses retrouvailles inattendues avec un jeune soldat prisonnier des indépendantistes tchétchènes, dont il avait racheté la liberté en 1996 au cours d'un reportage.
Nous sommes alors en 2015, et celui-ci est devenu un preneur d'otages qui exige comme négociateurs les deux journalistes qui l'avaient alors délivré et pris en charge.
Avec son équipe de ravisseurs, ils exigent, pour libérer leurs prisonniers, que le président Poutine présente ses excuses à la télévision pour avoir envahi la Tchétchénie et l'Ukraine...
Ce moment plein d'adrénaline est l'occasion d'évoquer tout ce qui s'est passé depuis les années 1980 en URSS puis en Russie.
Le moment central du roman est l'écriture par le narrateur, sous le titre "Voilà où nous en sommes" (pp 106-112) , d'une espèce d'examen de conscience collectif qui se termine par un appel à la responsabilité individuelle.
La postface de Ludmila OULITSKAÏA, que je ne présente plus, rebondit sur ce propos en concluant : "Ce livre s'adresse à nous tous."(p 168)
Et en posant la question de notre "part de responsabilité dans la colère et la brutalité qui nous entourent aujourd'hui" (ibid.)
On pourra trouver cela inutilement moraliste et apolitique, si l'on partage une vision du monde binaire et cloisonnée ou le Bien et le Mal ne peuvent se mélanger. Cependant, même en repolitisant clairement le propos, on ne peut éluder la question de la responsabilité individuelle dans l'évolution collective.
Le cynisme n'est jamais un bon positionnement. La tactique du moindre mal non plus. Il faut à chaque instant soupeser les concessions que l'on est prêt à consentir pour éviter de passer du compromis à la compromission.
Inversement, on ne peut s'abriter sans cesse dans le ciel éthéré des principes pour refuser de s'engager : l'éthique de conviction doit toujours se confronter à l'éthique de responsabilité.