Colum McCANN Apeirogon

Publié le par Henri LOURDOU

Colum McCANN Apeirogon
Colum McCANN Apeirogon
Colum McCANN
Apeirogon
traduit de l'anglais (Irlande) par Cément BAUDE
2020, Belfond, 10-18, août 2021, 644 p.

 

Sur le titre tout d'abord : "Apeirogon : une forme possédant un nombre dénombrablement infini de côtés" (§ 181, p 122).

Ce livre découpé en séquences numérotées, dont l'une appelle l'autre par association d'idées, navigue dans un nombre dénombrablement infini de directions, mais toujours autour de deux personnages réels, Bassam ARAMIN et Rami ELHANAN, deux pères inconsolables auxquels la violence ordinaire d'Israël-Palestine, ce territoire double et douloureusement imbriqué, a ravi deux filles, enfant ou tout juste adolescente, Abir, 10 ans, et Smadar, 14 ans.

La numérotation des séquences (de longueurs très inégales, et consistant parfois en une petite photo en noir et blanc) va de 1 à 500, puis décroît de 500 à 1. La séquence 500 est composée de deux parties, les seules non romancées du livre, puisque composées d'assemblage de déclarations de Rami et Bassam. Celles-ci sont séparées par une courte séquence numérotée 1001, qui raconte les circonstances d'une des nombreuses interventions communes de ces deux personnages. Tenue au monastère de Crémisan "dans la ville majoritairement chrétienne de Beit Jala, près de Bethléem" (p 323) devant un public international venu "d'aussi loin que Belfast et Kyushu, Paris et la Caroline du Nord, Santiago et Brooklyn, Copenhague et Terezin" (p 324) dont faisait partie, à l'évidence, Colum Mc Cann, et qui est, on s'en doute, à l'origine du livre.

 

 

Disons-le d'emblée, ce livre n'est pas un mièvre appel basé sur l'émotionnel et le chantage aux sentiments. Il nous plonge peu à peu dans une ambiance très lourde qui est celle de l'Occupation au long cours d'un territoire, et nous confronte à la difficile prise de distance de ceux qui l'exercent et qui la subissent avec le cycle sans fin d'une violence qui ressemble à une fatalité.

Je suis tombé par hasard, au moment de rédiger ce compte-rendu, sur un article du "Monde" de mai 2022, à propos du documentaire désespéré du cinéaste israélien Avi MOGRABI en 2021 intitulé "Les 54 premières années" et sous-titré "Manuel abrégé d'occupation militaire". Il donne bien le ton de ce qui a débouché sur le déchaînement des violences actuelles : une double radicalisation qui glace le sang et oblige à remettre en avant la seule solution possible que Rami et Bassam et leurs amis du Cercle des parents professent en vain depuis des années.

 

La fin de l'occupation

 

C'est le préalable absolu à toute solution pacifique de ce conflit centenaire. Tout le reste n'est que plan sur la comète.

 

Au final, un grand livre terrible et juste auquel je ne ferai qu'une seule critique : le goût immodéré de l'auteur pour les énumérations verbales érudites, parfois un peu lassant.

J'y ai aussi redécouvert cette personne remarquable, le général Matti Peled, beau-père de Rami.

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