Un nouveau terrain pour le confusionnisme conspirationniste

Publié le par Henri LOURDOU

Un nouveau terrain pour le confusionnisme conspirationniste

Un nouveau terrain pour le confusionnisme conspirationniste :

La guerre en Ukraine.

 

Etant mêlé à la mouvance pacifiste, je suis frappé par l'essor dans ce milieu d'un discours que l'on trouve aussi dans la mouvance anti-vax sur l'origine et les responsabilités de ce conflit.

En résumé, ce serait l'Occident (lire "l'impérialisme américain et ses laquais") qui aurait provoqué Poutine pour le pousser à envahir l'Ukraine, ...afin de promouvoir son complexe militaro-industriel. Corrélativement, le gouvernement ukrainien se serait rendu coupable d'une politique anti-russophones au Donbass, matérialisée par des bombardements aveugles de civils.

En conséquence, il faut s'opposer fermement à toute livraison d'armes aux Ukrainiens...

Donc, tous ceux qui y sont favorables sont considérés comme des bellicistes et des va-t-en-guerres irresponsables, qui prennent délibérément le risque d'une guerre nucléaire pour préserver les profits du capitalisme occidental.

 

Illustration (parmi les nombreux messages que j'ai vu passer sur différentes listes de diffusion) :

"Car, en effet, les voix discordantes au narratif médiatico-politique occidental, si consensuel et si belliqueux aujourd’hui, se multiplient. Et il est vrai qu’il faut un certain courage pour échapper à la censure et à l’auto-censure — telle qu’elle agit désormais chez de très nombreux journalistes et «intellectuels». Personne en effet ne souhaite se voir traiter de «collaborationniste», de lâche ou encore d’être soupçonné d’ «intelligence avec l’ennemi» comme j’ai pu l’entendre sur France-Culture.

Ainsi, quelques exemples de résistance à la propagande politico-médiatique :

Arno Klarsfeld souligne, entre-autre, la fascination de l’establishment ukrainien (constitué en grande partie d'Américains naturalisés depuis le coups d’État de Maïdan) pour le nazisme et la posture ambigüe des États-Unis (sur RFI) : https://www.youtube.com/watch?v=WINbA7jER6w- Emmanuel Todd nous livre une analyse à la fois surplombante et minutieuse de la conjoncture : https://www.youtube.com/watch?v=oAUD1gxEWxE- Avant hier, LCP diffusait un reportage sur les mensonges états-uniens qui ont "légitimé" la deuxième guerre du Golfe — en présence de Dominique de Villepin lors du débat conclusif (disponible jusqu’au 1er mars) : https://lcp.fr/programmes/debatdoc/guerre-d-irak-quand-la-france-dit-non-161182Les États-Unis, «cette Nation qui s’est toujours mentie à elle-même» — comme le soulignait Élise Marienstras (In. «L’Amérique de la contestation.»)  —  ne nous mentirait-elle pas une nouvelle fois ? 

Cette Nation impérialiste, pousse-au-crime, pompier-incendiaire, avec son Soft Power et sa Contre-culture dégénérée — car désormais culture officielle (Wokisme, New-Age) à l'avant-poste de la guerre des civilisations qui se mène maintenant en Ukraine …. . 

Ceci étant dit sans aucune sympathie de ma part pour Vladimir Poutine."

 

Ce discours, plus ou moins caricatural ou nuancé, imbibe et inhibe toute prise de position sur le sujet. Qu'il fasse cependant offense à l'évidence et au bon sens ne constitue en rien un handicap à sa diffusion. Qu'il soit contraire aux faits non plus. Car il répond à un besoin fondamental de simplification et de désengagement de notre responsabilité personnelle dans la nécessaire solidarité avec le peuple ukrainien. Il nous exonère du poids de la tragédie qui se joue à nos portes. Il permet également de contester le prix de la solidarité.

 

Il faut cependant rappeler inlassablement les faits : les frontières de l'Ukraine ont été reconnues par la Russie dans un traité de 1994, aujourd'hui allègrement violé depuis 2014. La prise de pouvoir des pro-russes dans le Donbass s'est faite par un parti au départ ultra-minoritaire et par les armes et l'intimidation, quels qu'aient été par ailleurs les états d'âme de la population locale vis-à-vis du pouvoir en place à Kiev. De la même façon pour la Crimée.

La riposte internationale à ces violations du droit a été dans un premier temps minimaliste. Ce qui a poussé Poutine à une fuite en avant dont il n'a mesuré ni la portée ni les conséquences.

Ses méthodes brutales et expéditives ne datent pas d'hier : il les a expérimentées en Tchétchénie dès 1999-2001, puis en Syrie en 2015. La différence étant que la Tchétchénie est à l'intérieur des frontières de la Fédération de Russie, et qu'il a été appelé en Syrie par le gouvernement en place de Bachar Al-Assad. Ici il s'est attaqué à un Etat souverain, membre des Nations Unies, en violation de sa Charte :

Article 2 alinéa 4 :

Les membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, (...) contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance de tout État.

La réponse occidentale à cette agression, est, elle, conforme à cette Charte :

Article 51 :

Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée.

Enfin, rappelons que notre solidarité militaire avec l'Ukraine ne s'appuie sur aucun déni des prétendues exactions commises par le gouvernement ukrainien au Donbass :

https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/desintox-l-ukraine-n-a-pas-tue-13-000-civils-russophones-du-donbass-depuis-2014_5020771.html

 

 

Aussi faut-il ne pas s'abriter derrière les turpitudes passées de l'impérialisme américain (comme l'intervention funeste en Irak de 2003, voire la guerre du Vietnam ou le coup d'Etat de Pinochet au Chili de 1973) pour mégoter notre soutien à l'Ukraine.

A l'heure où la Chine de XI jinping a mis au pas la contestation populaire au Tibet, au Xinjiang et à Hong-kong et se prépare à "récupérer Taïwan", où le pouvoir iranien et le gouvernement israélien répriment à tour de bras, doit-on encore considérer que "l'impérialisme américain" ou l'Occident sont les ennemis principaux ?

Il y a en réalité en gestation un "axe des dictatures" dont les votes à l'ONU sur la question ukrainienne est le révélateur : que les seuls soutiens de Poutine soient la Syrie, la Corée du Nord, la Biélorussie et l'Erythrée lors du premier vote du 2 mars 2022, et qu'ils n'aient été rejoints lors du dernier vote du 23 février 2023 que par le Nicaragua et le Mali en dit long . Comme en dit long l'abstention persistante de la Chine, de l'Inde, du Pakistan, de l'Iran, du Vietnam ou de l'Algérie, tous pays où, comme chacun sait, les droits humains sont foulés au pied et les libertés bafouées.

Une lecture qui me semble au moins aussi pertinente que celle relevant la prise de distance entre l'Occident et le "Sud global"...

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