Rompre avec l'agora toxique et la culture du clash
Rompre avec l'agora toxique
et la culture du clash
qui alimentent l'extrême-droite.
Appelant à la mise en place d'une hygiène numérique, je me trouve confronté à un cas d'école avec la lamentable affaire Rousseau-Bayou qui contribue à détruire l'image de mon parti EELV par l'intermédiaire des réseaux sociaux.
Car à quoi assistons-nous ? A la double instrumentalisation par ces deux protagonistes d'une affaire de violence subie par une femme et en voie de traitement par une cellule de bénévoles de notre parti, sans aucun égard ni pour elle, ni pour ces bénévoles.
La faute à Rousseau
Absence d'égards de la part de Sandrine Rousseau, qui balance publiquement sans état d'âme une confidence recueillie par elle à titre privé (émission "C à vous" sur France 5 le lundi 19-9) : Julien Bayou, qui vient juste d'être dénoncé publiquement sur Twitter par le collectif #NousToutes comme l'auteur de "violences", est explicitement accusé par elle, interrogée à ce sujet par la journaliste qui vient de prendre connaissance du Tweet, d'avoir eu des "comportements qui sont de nature à briser la santé morale des femmes".
Ce faisant, elle met en danger le travail d'écoute de la cellule EELV, qui n'a pu encore auditionner la victime en raison de son état de santé. Elle déclenche également bien sûr tout un "buzz" médiatique et numérique axé sur le clash Rousseau/Bayou et prolongeant ses précédentes provocations.
Le 20 septembre, à l'Assemblé nationale, les députés LFI, interrogés sur l'affaire Quatennens, bottent en touche, par la voix de Clémentine Autain qui évoque "l'affaire Bayou"; tout en regrettant le comportement de Sandrine Rousseau, elle en profite pour en rajouter une louche : "je ne sais pas si cette femme a envie que toute la France sache qu'elle a fait une tentative de suicide." Grâce à Clémentine Autain, à présent, elle le sait. ("Le Monde, daté 22-9-22, p 13, qui titre son article : "Après Adrien Quatennens, Julien Bayou accusé de violences")
"Le Monde", qui évoque cette affaire pour la première fois, rappelle que : "L'ex-compagne du secrétaire national d'EELV avait effectué, en juillet, un signalement à la cellule sur les violences sexistes et sexuelles du parti. L'affaire, brièvement éventée cet été par Le Figaro, n'aurait peut-être pas eu de retentissement sans les déclarations faites par Mme Rousseau , lundi, dans "C à vous" sur France 5."
Ce même mardi 20 septembre, le bureau du groupe des députés EELV signale par communiqué que Julien Bayou a été "mis en retrait de ses fonctions" de coprésident du groupe.
Dans l'après-midi, le Bureau Exécutif du parti EELV se réunit et publie un communiqué assurant de sa mobilisation "dans la lutte contre les violences faites aux femmes." A ce moment, Julien Bayou est toujours membre de ce BE et même secrétaire national.
La faute à Bayou
Même absence d'égards de la part de Julien Bayou lorsque, choisissant enfin de démissionner de son poste de secrétaire national le lundi 26, alors qu'il aurait dû le faire, ainsi que du BE, dès son élection comme député, en vertu de nos statuts, et comme l'ont fait tous les autres membres du BE élus députés.
Car il profite de l'annonce de sa démission pour faire une mise au point sur son innocence à l'adresse des adhérents et annoncer sa prochaine communication :
Démission du secrétariat national
Chères militant-es écologistes,
Je ne pouvais prendre aucune décision sans prendre quelques minutes pour m’adresser à vous.
J’ai décidé de remettre ma démission du Secrétariat national d'Europe Ecologie - Les Verts et l’annoncerai à la presse dans quelques minutes.
C’est avec beaucoup d’émotions que je renonce à cette fonction après plus de 9 ans d’engagement dans la direction du mouvement, comme porte-parole puis secrétaire national.
Vous représenter, parler en votre nom, a été l’une des plus grandes fiertés de ma vie militante.
Dans les prochaines heures, je m’exprimerai publiquement sur la situation ubuesque dans laquelle je me retrouve.
Vous le savez peut-être, je suis accusé de faits qui ne me sont pas présentés, dont mes accusateurs-ices disent qu’ils ne sont pas pénalement répréhensibles, et dont je ne peux pour autant pas me défendre puisqu’on refuse de m’entendre.
C’est Kafka à l’heure des réseaux sociaux.
Cette situation est intenable et le contexte délétère semble empêcher tout discernement, dans un moment où la société bascule et cherche le point d'équilibre pour cette si nécessaire révolution féministe.
Dans cette période, je ne voulais pas que quelconque parole puisse être instrumentalisée politiquement et puisse à un moment faire du tort à notre mouvement ou à nos combats.
On ne saurait confondre son sort avec la cause qu’on sert : le projet qui nous rassemble est plus grand que chacune et chacun d’entre nous.
J’ai une pensée pour chacune et chacun d’entre vous et vous dis à bientôt sur les routes de l’écologie.
Julien Bayou
Ce morceau de rhétorique est particulièrement retors et pervers.
On passera sur la plate démagogie à l'égard des militant-es qui dégouline à chaque ligne.
Par contre on ne peut passer sur les insinuations mettant en cause le travail de la cellule : "je suis accusé de faits qui ne me sont pas présentés, dont mes accusateurs-ices disent qu’ils ne sont pas pénalement répréhensibles, et dont je ne peux pour autant pas me défendre puisqu’on refuse de m’entendre."
Ce faisant, il feint d'ignorer (car il le sait bien) que celle-ci ne peut l'entendre qu'après avoir auditionné la potentielle victime. C'est un principe de Droit absolu : on n'entend l'auteur présumé qu'après avoir entendu la victime présumée. Or, et Julien Bayou le sait bien aussi, celle-ci n'est pas encore en état de déposer.
Ainsi, Julien Bayou, au lieu de rompre avec le procès médiatique alimenté par Sandrine Rousseau, choisit au contraire de l'alimenter en jouant le rapport de force pour l'emporter.
Cette stratégie du "rouleau compresseur" est alimentée par une conférence de presse de son avocate dès ce lundi 26 septembre après-midi (Le Monde, daté mercredi 28 septembre, p 14 : cette conférence de presse occupe le haut de la page, alors que la mise au point des députés écologistes est reléguée en bas de page). Puis par une longue interview (Le Monde, daté mercredi 5 octobre, p 9 : Là aussi, la mise au point de son ex-compagne par l'intermédiaire de son avocate est reléguée en bas de page. On y apprend cependant que celle-ci, "contrainte et forcée par le tempo médiatique" s'est décidée à saisir la cellule d'EELV pour être entendue.)
Parallèlement, Sandrine Rousseau se répand dans les médias : elle fait la "une" de l'Obs daté 29-9 sous le titre "Sandrine Rousseau, le coup d'éclat permanent". Et bénéficie d'un long portrait dans "M" le magazine du Monde daté 8 octobre (pp 74-77 sous le titre "Sandrine Rousseau, quoi qu'il en coûte"). Faut-il ajouter qu'elle a aussi fait la "une" de "Valeurs actuelles" la même semaine que l'Obs ?
Pendant ce temps dans les "réseaux sociaux"...
Bien évidemment les commentaires à l'emporte-pièce se déchaînent à tort et à travers comme il était prévisible, alimentés par les sorties médiatiques de l'un et de l'autre.
Et tous ces commentaires, bien sûr, recouvrent et effacent tout le travail opéré par l'ensemble des militants d'EELV à tous les niveaux.
Notre image est fortement dégradée par ce maëlstrom commentarial.
Une parole effacée
C'est celle de notre nouveau cosecrétaire national, à l'issue du Conseil fédéral d'EELV qui s'est tenu les 1er er 2 octobre :
"Aujourd’hui, la manière dont les partis de gauche traitent des violences sexistes et sexuelles est une nouvelle fois questionnée. Le fonctionnement de nos cellules décortiqué et, par certains, ou certaines, remis en cause. La possible nécessité d’externaliser toutes ou une partie des enquêtes est sur la table.
Je voudrais dire 3 choses.
La première, c’est notre fierté de recueillir la parole des victimes et de traiter avec sérieux les violences sexistes et sexuelles alors que d’autres choisissent de les ignorer. Nous devons continuer à mettre toute notre énergie pour permettre à chacune et chacun d’entre nous de militer en toute sécurité, et nous devons lutter contre ces violences, contre toutes les violences, et tout mettre en œuvre pour faire de notre mouvement et de notre société un espace inclusif qui refuse toutes les discriminations quelles qu’elles soient.
La deuxième, c’est que je remercie les membres de la cellule d’enquête et de sanction de leur engagement et de leur abnégation pour mener à bien leur mission difficile mais ô combien nécessaire. Nous avons toute confiance en leur action. Je voudrais rappeler que ce sont des personnes, choisies par vous, et formées par un organisme indépendant.
Nous, le bureau exécutif, avons collectivement rencontré la cellule ce matin. Elle nous a confirmé qu’elle était effectivement au travail sur TOUS les dossiers qui lui ont été signalés. Je voudrais rappeler également que plus on s’exprime publiquement sur les enquêtes, plus on rend la mission de la cellule difficile, et j’appelle donc chacune et chacun à ne s'exprimer qu'avec une extrême prudence.
La troisième, c’est que nous avons été les premiers, après l’affaire Baupin, à mettre en place une cellule de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Cette cellule n’est pas une “justice privée” comme j’ai pu l’entendre, mais une instance disciplinaire de notre mouvement chargée de proposer des sanctions internes. La mise en place de cette démarche innovante ne fut pas aisée et au début, des erreurs ont pu être commises. C’est pour cela que nous avons fait une première réforme statutaire de la cellule en février 2022. Nous avions alors décidé de prévoir un audit par un organisme externe indépendant pour pouvoir décider des évolutions nécessaires au bout d’un an. Ce sera fait."