Nouveaux visages de la guerre
Les nouveaux visages de la guerre :
l'usage des sociétés-écrans par les régimes autoritaires.
Sous le titre annoncé à la une"Les sociétés-écrans sont les meilleures alliées de Poutine", "Le Monde", daté 23-7-22, publie, p 8, un entretien avec le lanceur d'alerte anonyme à l'origine des "Panama Papers".
En ces temps où la surabondance d'informations génère toujours davantage l'oubli, il commence par nous rappeler que ces "Panama Papers" furent, en 2016, la plus grande fuite à ce jour de données confidentielles , "issues d'un cabinet d'avocats panaméen spécialisé dans la création de sociétés offshore pour des grandes fortunes, des responsables politiques corrompus, des fraudeurs fiscaux et des réseaux criminels.
Ces données, confiées à deux journalistes de la "Süddeutsche Zeitung" ont été partagées entre 107 médias mondiaux – dont "Le Monde"- coordonnés par un consortium de journalistes d'investigation, l'ICIJ, et avaient abouti à une enquête journalistique collaborative d'envergure mondiale, qui avait révélé l'ampleur de la dissimulation de capitaux dans les paradis fiscaux et du manque à gagner pour les États."
La publication coordonnée du résultat de ces enquêtes, débutée le 16 avril 2016, avait provoqué "une onde de choc mondiale, entre manifestations monstres à Londres et Reykjavik, démission de hauts responsables (dont l'ex-premier ministre islandais), ouverture d'enquêtes judiciaires et fiscales dans le monde entier. Plus de 1,3 Md de $ (1,15 Md d'€) de recettes fiscales ont été récupéré à ce jour par les pays du monde entier, dont 126 M d'€ en France. Le compteur tourne encore."
Le mystérieux lanceur d'alerte n'avait pas redonné signe de vie depuis 2016. Il a recontacté les deux journalistes de la "Süddeutsche Zeitung", aujourd'hui à la tête d'un média d'investigation lié à l'hebdomadaire "Spiegel".
Leur entretien est publié par "Le Monde" avec pour titre "Les sociétés-écrans financent l'armée russe".
La motivation à s'exprimer du "lanceur d'alerte" est ainsi formulée : il craint qu'une violente instabilité mondiale ne s'installe, issue "de la montée du fascisme et de l'autoritarisme, de la Chine à la Russie, du Brésil aux Philippines, mais surtout maintenant aux États-Unis. L'Amérique a commis de terribles erreurs par le passé, mais elle a servi de force d'équilibre contre les pires régimes, quand cela s'est avéré nécessaire. Cet équilibre a cessé d'exister."
Or, ajoute-t-il, les autres États démocratiques, à commencer par l'Allemagne, ont sous-estimé gravement ce danger. Et il en veut pour preuve la sous-exploitation des données qu'il a confiées à la police fédérale allemande en 2017. Même s'il se félicite du travail fourni par l'ICIJ, il considère que c'est loin d'être suffisant pour combattre ce qu'il estime être une source de cash déterminante pour les régimes autoritaires : les "sociétés-écrans".
Car "Poutine est plus menaçant pour les États-Unis qu'Hitler ne l'a jamais été, et les sociétés-écrans sont ses meilleures alliées. Ce sont elles qui financent l'armée russe et tuent des civils innocents en Ukraine, tandis que les missiles de Poutine visent les centres commerciaux. Ce sont ces mêmes sociétés-écrans qui masquent les conglomérats chinois et tuent les mineurs de cobalt au Congo."
Cette analyse géopolitique peut être contestée dans le détail. Par contre, la question des sociétés-écrans et de leur utilisation par des dictatures pour mener des opérations militaires doit être prise en considération.