Gordana KUIC Parfum de pluie sur les Balkans
Gordana KUIĆ
Parfum de pluie sur les Balkans
Les Éditions NOIR SUR BLANC, 2022, 558 p.
Traduit du serbe par Dejan BABIĆ.
J'ai découvert fortuitement ce livre dans un endroit improbable (l'étagère de "livres à donner" de la Guest house de Reykjavik où j'ai logé quelques jours). C'est la 4e de couverture qui m'a incité à le prendre : "A travers la vie d'une famille séfarade, nous pénétrons dans (...) la Sarajevo de l'entre-deux-guerres, peinte avec des couleurs aujourd'hui disparues. Ce roman inoubliable nous entraîne dans une ville complexe, où les communautés juive, musulmane, catholique et orthodoxe, malgré une harmonie apparente, vivent en privilégiant les leurs."
Disons que je n'ai pas lâché le livre avant de l'avoir terminé. Sa dimension quasi-autobiographique, la référence à des éléments culturels comme le ladino, espagnol archaïque parlé par les juifs séfarades, ici transcrit phonétiquement, à une Histoire dont je connaissais bien sûr quelques éléments (comme la terrible dictature oustachie) ici concrétisés dans un contexte plus large, tout cela a retenu mon attention.
Malgré une traduction un peu laborieuse (ou à cause d'elle ?), j'ai finalement apprécié le style un peu plat du livre qui fait passer le fond avant la forme : une chronique de gens simples, "ceux qui subissent l'histoire en lui donnant sa profondeur humaine" (4e de couverture).
Ainsi nous suivons cette famille de juifs pauvres mais en ascension sociale à travers les cinq soeurs Salom entre 1914 et 1945, dans une Yougoslavie qui est d'abord la Bosnie sous domination austro-hongroise, puis un pays qui, après avoir retrouvé la paix et les promesses de la modernisation, est déchiré par la guerre civile et l'occupation étrangère, et en proie aux massacres et à l'antisémitisme oustachi. L'histoire se passe entre Sarajevo, Vienne, Paris, l'Italie, Split, Zagreb, Mostar, Belgrade et la campagne serbe.
Ce livre, paru en Serbie en 1986, est écrit par la fille d'une des cinq soeurs, professeur d'anglais à Belgrade où sa famille s'est réfugiée en 1945.
Il nous fait percevoir la vie culturelle de cette Yougoslavie d'entre-deux-guerres, et la volonté d'émancipation de filles élevées dans un contexte très patriarcal et communautaire, ainsi que la résistance du milieu intellectuel et populaire au nationalisme antisémite.