Dans l'urgence climatique-Penser la transition énergétique

Publié le par Henri LOURDOU

Dans l'urgence climatique-Penser la transition énergétique

Dans l'urgence climatique

Penser la transition énergétique

(Folio actuel n°185, février 2022, 286 p.)

 

 

Cet ouvrage collectif du "Groupe d'études géopolitiques", dirigé par Michel Derdevet et coordonné par Clémence Pélegrin, vise à croiser les "éclairages fournis par l'économie, l'histoire, les relations internationales et la science politique" (4e de couverture). Il a pour ambition d'"offrir les clés essentielles pour comprendre les questions parfois techniques dont doit se saisir le débat démocratique pour parvenir à répondre au plus grand défi de notre temps." (avant-propos de Michel Derdevet et Clémence Pélegrin, p 11)

Les 12 chapitres ont pratiquement tous la particularité d'avoir été coécrits par des duos composés d'une personne "disposant d'une véritable expertise , au profil "senior", connue et reconnue en France et en Europe, et un chercheur plus jeune, français ou européen, dans une "perspective à la fois pluridisciplinaire, intergénérationnelle et internationale." (p 14)

Ils sont tous présentés dans une rubrique spéciale, par ordre alphabétique (pp 7 à 10).

De plus, "la vingtaine de signatures rassemblées ici sont réunies par une idée structurante : l'échelle européenne est la plus pertinente pour comprendre et se saisir des des enjeux énergétiques de la France et au regard de tendances infrastructurelles , politiques et économiques de long terme, comme le nombre croissant d'interconnexions énergétiques en Europe et les échanges entre Etats membres." (p 15)

Enfin, pour répondre à la notion d'urgence, présente dans le titre de l'ouvrage : "Le désordre semble probable, mais nous pouvons encore répondre au chaos." (p 17)

 

Le déroulé des chapitres répond à un ordre logique, mais leur contenu n'est pas vraiment homogène. S'ils contiennent beaucoup de données techniques et factuelles mises à la portée du profane, ils comportent aussi des partis pris parfois contradictoires.

Ainsi de l'opposition soulignée par certains contributeurs entre énergies décarbonées "pilotables" (le nucléaire) et "non pilotables" (les renouvelables, essentiellement l'éolien et le solaire), notamment par Jacques Percebois et Boris Solier dans le chapitre 3 intitulé "Pour une transition énergétique résiliente" (pp 52-72) qui conclut que "La France doit impérativement accentuer les efforts de recherche dans le domaine des technologies du futur, celles du nouveau nucléaire, de l'hydrogène, des batteries des ordinateurs quantiques et du stockage de l'électricité. On pense bien sûr aux surgénérateurs (génération IV) mais aussi à la technologie prometteuse des SMR (Small Modular Reactors), centrales nucléaires de faible dimension (de 30 à 300 MW contre 1 650 pour l'EPR) et à sûreté passive." (p 69)

Cette confiance béate mise dans le nucléaire dans le cadre d'une transition garantissant le niveau croissant de recours à l'électricité contraste avec l'esprit critique qui préside à d'autres contributions concernant les tenants et aboutissants d'une vraie transition à un autre modèle de société.

Que ce soit celles qui mettent l'accent sur les conditions sociétales d'une transition réussie et collectivement assumée (chapitres 8, 9 et 10), ou celle, la plus lucide à mon sens, de Christian de Perthuis, dont j'avais déjà fortement apprécié l'ouvrage "Le tic-tac de l'horloge climatique" (chapitre 11). Car celui-ci met en avant la nécessité d'un "rationnement énergétique équitable" et fait le lien entre crise climatique et crise de la biodiversité en introduisant l'idée d'une nécessaire transition agroécologique. Et il va même plus loin en posant la question, encore largement tabou, de l'arrêt de la croissance démographique de l'espèce humaine. Une question qui fut posée aux débuts du mouvement écologiste, dans les années 1971-73, mais qui sortit rapidement des radars. Or elle se pose nécessairement, même si la réponse, il en convient aisément, ne peut être autoritaire. (pp 218-239)

 

En résumé, que retenir de ce très riche ouvrage ?

Outre l'urgence (bien argumentée), la complexité de la réponse ne permet pas d'éluder les remises en cause nécessaire de nos modes de vie et de notre imaginaire consumériste-illimitiste ainsi qu'une réduction drastique des inégalités de patrimoine et de revenu (...qu'il faut penser au niveau mondial) couplée à de forts investissements publics soigneusement débattus et réfléchis au niveau européen.

C'est bien à gauche que la transition nécessaire sera le plus efficacement mise en place...à condition que la gauche française accepte de penser au niveau mondial et remette en cause son logiciel productiviste issu du marxisme, et son logiciel national-souverainiste issu du jacobinisme.

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