Mahmoud HUSSEIN Tenir tête aux dieux

Publié le par Henri LOURDOU

Mahmoud HUSSEIN Tenir tête aux dieux

Mahmoud HUSSEIN

Tenir tête aux dieux

roman , Gallimard, avril 2016, 167 p.

 

 

Sous ce constant pseudonyme depuis 1969 se cache un duo d'Égyptiens réfugiés en France : Baghat EL NADI et Adel RIFAAT.

Leur livre de 1989 "Versant Sud de la liberté : essai sur l'émergence de l'individu dans le Tiers-Monde", dont je n'avais pourtant lu que des compte-rendus et des interviews des auteurs, puis la série télévisée qui en avait été tirée, m'avait définitivement converti au "droitdelhommisme" et scellé ma rupture avec le marxisme qui constituait pourtant, pour eux comme pour moi, le point de référence initial.

En effet, ils s'étaient fait connaître en France par un livre intitulé "La lutte de classes en Égypte (1945-1968)" paru aux éditions Maspéro en 1969.

 

Ce court roman a un parfum clairement autobiographique. Ce que semble confirmer leur biographie puisée sur Wikipédia :

Bahgat El Nadi, né le 1er octobre 1936 à Faraskour, et Adel Rifaat né Eddy Lévy le 26 mars 1938 à Alexandrie, en Égypte, sont des écrivains français qui écrivent à quatre mains sous le pseudonyme de Mahmoud Hussein.

Frère aîné du philosophe Benny Lévy, Eddy fréquente le lycée français du Caire puis se convertit à l'islam et devient Adel Rifaat.

El Nadi et Rifaat, tous deux nés en Égypte, se rencontrent en 1955. Militants révolutionnaires communistes sous Nasser, ils sont incarcérés et détenus dans divers camps de concentration entre 1959 et 1964. Ils arrivent en France en 1966 en tant que réfugiés politiques. Ils sont naturalisés français en 1983.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mahmoud_Hussein_(auteurs)

Rappelons au passage que Benny Lévy, étudiant à Normale Sup en 1968, fut ensuite l'un des principaux dirigeants de la Gauche prolétarienne, groupe maoïste de l'après-68, avant de devenir en 1974 le secrétaire de Jean-Paul Sartre, puis après son retour au judaïsme à travers le philosophe Emmanuel Lévinas, créateur d'un "Insititut d'études lévinassiennes" à Jérusalem où il est mort en 2003.

 

Même si Adel Rifaat est converti à l'Islam, on ne trouve ici aucune référence religieuse, et pour cause. Car la conception de l'Islam qu'il développe avec son ami Baghat El Nadi relève d'une tradition basée sur le libre arbitre de l'individu, la tradition mutazilite.

 

Mais venons-en au roman.

Le récit est celui d'un apprentissage : celui d'un jeune étudiant, issu de la petite classe moyenne égyptienne : d'extraction paysanne, son père est fonctionnaire de l'Education nationale, lui-même devient étudiant en médecine.

Le contexte est l'apogée du pouvoir de Nasser, entre 1956, et ce moment décisif de la nationalisation du canal de Suez qui rend aux Égyptiens leur dignité nationale, et 1959, où une rafle élimine les diverses factions communistes présentes essentiellement dans les universités.

Le narrateur fait partie de la rafle. Son récit alterne ses souvenirs, et notamment sa rencontre avec Nadia, étudiante comme lui, et fille d'une grande famille de médecins, et son présent carcéral, qui constitue le coeur du récit.

Le titre du livre est fourni par sa lecture adolescente de l'Odyssée d'Homère, où il rencontre un héros "qui tient tête aux dieux". Lui aussi va tenir tête aux dieux, en l'occurrence à Nasser et tous ses serviteurs qui entendent étouffer dans l'oeuf toute possibilité de révolte contre leur toute-puissance.

Le récit de la répression carcérale est précis et fait bien sûr penser à tous ces récits de prison qui semblent la plus exacte expression de la réalité de toutes ces dictatures du monde musulman contemporain, à la source des "printemps arabes".

A celles-ci s'oppose une quête générale de dignité dont la fin du récit trace le début du chemin.

Un livre vrai et fort, qui livre la clé de la résistance : l'amour, toujours l'amour, et le désir d'indépendance !

 

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