Jón Kalman STEFÁNSSON La tristesse des anges-Le coeur de l'homme

Publié le par Henri LOURDOU

Jón Kalman STEFÁNSSON  La tristesse des anges-Le coeur de l'homme
Jón Kalman STEFÁNSSON  La tristesse des anges-Le coeur de l'homme

Jón Kalman STEFÁNSSON

La tristesse des anges

2009, traduction française de l'islandais par Éric BOURY, 2011,

Folio n°5521, 2012, 420 p.

Le coeur de l'homme

2011, traduction française de l'islandais par Éric BOURY, 2013,

Gallimard, coll Du monde entier, 2013, 458 p.

 

Après la découverte que fut pour moi l'écriture puissante de Jón Kalman STEFÁNSSON avec "Entre ciel et terre", je poursuis la lecture de la trilogie dont ce roman était le premier volet.

 

Toujours centrée sur la personne un peu floue de celui qui n'est jamais présenté autrement que comme "le gamin", elle remet en scène des personnages récurrents qui permettent peu à peu , à travers une histoire très cursive, de préciser beaucoup de choses.

Nous sommes au début du XXe siècle dans le nord de l'Islande -sans doute la péninsule du Nord-Ouest. La pêche du cabillaud, aussitôt transformé en morue salée, est la grande activité pourvoyeuse de richesse (relative). Le fait pour "le gamin" d'avoir quitté un patron de pêche réputé en pleine saison, suite à la mort en mer de son meilleur ami et compagnon de travail, apparaît comme une inconvenance. Mais plus qu'une inconvenance : un événement multicommenté dans un univers marqué par la tradition et la répétition.

Il est vrai que ledit "gamin" (dont on comprend à une allusion qu'il a vingt ans – ce qui en ferait aujourd'hui un jeune adulte) est un personnage atypique. C'est un gringalet dans un monde de gros gabarits, il s'intéresse beaucoup à la lecture, et plu s particulièrement à la poésie, comme son défunt ami Barđur, qui en est mort (il a oublié d'emporter sa vareuse en mer car il pensait trop au livre qu'il était en train de lire : le Paradis perdu de John Milton).

C'est pour rendre ce livre au capitaine aveugle, Kolbeinn, qui le lui avait prêté, que le gamin quitte son patron. Et il atterrit donc, au Village, chez la jeune veuve sulfureuse Geirƥruđur qui tient une auberge, avec l'aide d'une autre femme, Helga, et héberge le capitaine qui en a fait sa légataire universelle.

Il s'y installe, et ce trio décide de "faire son éducation" : il n'est en effet jamais allé à l'école et a toujours travaillé depuis la mort précoce de ses parents.

C'est cette éducation qui est bien sûr l'objet principal de la trilogie : une éducation sentimentale, sociale et politique, tout autant que scolaire, qui nous emmène dans les différents recoins de la société locale de l'époque, à travers un regard poétique et féministe en décalage avec la réalité dominante. Et de nombreux personnages, tour à tour attachants et répugnants, mais toujours abordé avec la naïveté d'une volonté de vivre sans calcul.

Une lecture très prenante et qui donne sans arrêt à réfléchir.

Quelques citations choisies :

La tristesse des anges :

"La poésie ne nous rend pas humbles ou timides, mais sincères, c'est là son essence et son importance." (p 21)

"Les hommes accomplissent leur devoir (...) c'est ce qu'ils ont toujours fait, même si cela n'obéit que peu aux règles du bon sens. (...) Voilà qui est vrai. Depuis toujours, les hommes se sont mis en route, ils se sont précipités vers la mort en laissant derrière eux des femmes et des enfants plongés dans la détresse. Ils oublient que la vie est belle et qu'il est avant tout du devoir de l'être humain de la chérir. Ou plutôt que c'est son unique devoir (...) Je crois que les hommes sont des irresponsables uniquement préoccupés par leur propre personne et que ce sont les femmes et les enfants qui en subissent les conséquences." (p 256-7)

"C'est un immense privilège que d'avoir un objectif précis. Nombreux sont ceux qui traversent la vie sans ne serait-ce qu'en apercevoir brièvement le sens. Ils avancent tant bien que mal, transportés d'un hasard jusqu'au suivant (...) Celui qui vit ainsi son existence peut certes connaître quelques heures de bonheur, mais elles relèvent (...) de la chance et non de la récolte." (p 308-9)

Le coeur de l'homme :

"L'art possède le dangereux pouvoir d'engendrer le rêve d'une vie meilleure, plus juste et plus belle, le pouvoir de réveiller la conscience et de menacer le quotidien." (p 354)

Publié dans Histoire, Europe

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