Politique énergétique : il n'y a pas d'Eldorado

Publié le par Henri LOURDOU

Politique énergétique : il n'y a pas d'Eldorado

POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE :

il n'y a pas d'Eldorado.

 

Notre monde et notre mode de vie reposent en grande partie sur ce que Jean-Marc JANCOVICI a baptisé "esclaves énergétiques" pour mieux nous faire voir notre degré de dépendance. Gérald BRONNER, dans son ouvrage à la fois stimulant et contestable "Apocalypse cognitive", l'utilise : "Chaque Français bénéficierait ainsi de l'équivalent de près de 400 esclaves énergétiques" (p 32) pour disposer de son niveau actuel de confort.

La difficulté est que cette dépendance, inégalée dans l'Histoire, est devenue quasiment invisible, tant elle nous semble évidente.

Or, différents signaux d'alerte commencent à s'afficher :

-Hausse des prix de l'énergie

-Nécessité d'en décarboner la fabrication

-Pollutions à grande échelles et leurs effets sur la santé ou la vie

-Peur du manque...

La tentation est grande de rechercher la "source d'énergie miracle" permettant d'échapper à tous ces inconvénients... Tout comme les "Conquistadors" espagnols recherchant le "pays de l'or", "El dorado", pour échapper à la pénurie monétaire qui touchait une Europe en plein essor au XVIe siècle...

Ainsi, EDF nous vend en ce moment, par pleines pages de publicité, son "électricité à 97% sans émissions de CO2"...comme si tout était résolu grâce à ses centrales nucléaires ("Le Monde", daté 15-10-21, p 9) et comme si le passage à "la mobilité électrique" (ibid. p11) allait résoudre la crise climatique.

Heureusement, quelques pages plus loin (ibid p 29), deux tribunes remettent un peu les choses en place : celle de la députée Emilie CARIOU mettant en cause l'absence de transparence et de sincérité budgétaire de la gestion du nucléaire en France, et celle des divers acteurs réunis autour de l'association "Énergie partagée" mettant en cause les nouveaux obstacles administratifs opposés à la mise en oeuvre des projets citoyens d'énergie photovoltaïque.

 

POUR UNE VRAIE POLITIQUE RÉALISTE DE L'ÉNERGIE

 

De fait, notre avenir énergétique devra se décliner autour de trois orientations majeures qu'il va s'agir de mettre en musique : sobriété, autonomie et solidarité.

LA SOBRIÉTÉ car nous ne pouvons plus raisonnablement assumer la fuite en avant consumériste. Réduire le nombre de nos "esclaves énergétiques" est indispensable. Le rythme et l'ampleur de cette réduction doit être discuté et maîtrisé collectivement (d'où le choix ci-dessous d'une "Convention citoyenne de l'énergie"), mais elle repose avant tout sur une prise de conscience individuelle et une démarche volontaire de sobriété, confortée par ces choix collectifs (par exemple le renoncement à la 5 G...)

Cependant, cela ne saurait suffire à répondre à l'ampleur et à l'urgence des problèmes.

Nous allons avoir encore besoin pour un temps de recourir à de nombreux "esclaves énergétiques". Aussi faut-il en repenser l'usage dans deux directions.

L'AUTONOMIE par la décentralisation maximale de la production d'énergie. Car cela réduit notre dépendance à des sources lointaines et les aléas et coûts liés à leur acheminement jusqu'à nous.

Pour cela, les "petits" projets citoyens maltraités par le gouvernement ne doivent pas être négligés au profit des "grands" opérateurs, mais au contraire promus et encouragés.

Cependant, cela ne saurait suffire.

LA SOLIDARITÉ est donc la 3e direction à emprunter. C'est-à-dire celle d'un réseau élargi au niveau mondial, sécurisé et intelligent, permettant d'injecter des sources d'énergie qui devront rester très diverses et d'en utiliser la ressource sans gaspillage. Cela doit nous pousser à toujours davantage de coopération internationale, et d'abord au niveau européen, dans un monde devenu irrévocablement interdépendant.

 

C'est sur ces trois niveaux que doit se construire une politique écologiste de l'énergie.

 

"Vivant" Projet 2022 des écologistes p 41-42 : Construire la sobriété énergétique

 

La politique de sobriété et d’efficacité énergétique dans tous les secteurs d’activité doit permettre

de réduire la consommation d’énergie tout en assurant de meilleurs services à l’ensemble de la

population. Pour y parvenir, plusieurs cibles doivent être visées. Le couple « produits pétroliers-transports» constitue la première cible de la politique d’efficacité énergétique. Le secteur du bâtiment fera l’objet d’un plan massif de rénovation énergétique. L’objectif principal est

l’accroissement régulier du rythme annuel de rénovations. Pour l’électricité, le potentiel

d’économies est considérable. L’objectif visé est la réduction de la consommation finale

d’électricité du même ordre que celle de la consommation finale énergétique, soit 30% en 2030.

Sortir du nucléaire et investir dans les énergies renouvelables

Le nucléaire n’a pas d’avenir : son développement, trop cher et trop lent, relève du fiasco

industriel, et il nous expose à des dangers considérables. Sortir du nucléaire est compatible avec

l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, comme le confirme un nombre

croissant de scénarios scientifiques et comme le concrétisent actuellement de nombreux pays.

Nous investirons notre savoir-faire industriel, technologique et nos emplois pour un mix

énergétique 100% énergies renouvelables à horizon 2050, et si possible dès 2040, en concertation

avec les citoyen.nes et les collectivités.

Il nous faut également gérer le fardeau du nucléaire de façon responsable : démantèlement

progressif des réacteurs ayant 40 ans de fonctionnement ; augmentation des moyens de contrôle

de l’autorité de sûreté nucléaire ; plan de gestion transparent et sans enfouissement irréversible

des déchets nucléaires.

Un plan d’aide pour la rénovation thermique

La transition écologique suppose pour les ménages de rénover leur logement. Cet investissement

s'avère très difficile pour les ménages modestes. 40% des « passoires thermiques » sont

occupées par des ménages à faible revenu (4 premiers déciles de revenu), soit 1,7 million de

logements, et 1 million pour les ménages à plus faibles revenus (deux derniers déciles). Dans le

cadre de la refonte des certificats d'économie d'énergie, les programmes de soutien à des

équipements seront remplacés par une aide aux rénovations globales. Les rénovations globales

des passoires thermiques seront obligatoires en cas de changement de propriétaire. Afin de les

guider dans leurs choix, les ménages seront accompagnés par un service public de l'efficacité

énergétique prodiguant conseils et organisant l'amélioration de l'empreinte environnementale des

bâtiments et des mobilités de leurs territoires.

Décarboner les bâtiments et travaux publics

Nous donnerons les moyens aux collectivités d'atteindre des objectifs ambitieux de rénovation et

de construction écologiques. Nous fixerons une stratégie pour décarboner les bâtiments et travaux

publics d’au moins 50 à 75%. Pour cela, nous nous appuierons sur une réglementation,

notamment des appels d’offres publics, favorisant les matériaux biosourcés, la modularité, la

réemployabilité et le zéro déchet.

Soutenir les énergies citoyennes

Nous développerons et accélérerons les communautés d’énergie citoyenne et renouvelable sur

tout le territoire, afin d’augmenter les capacités EnR (énergies renouvelables) aux mains des

citoyen.nes et des collectivités territoriales. Nous proposerons l’instauration d’un objectif de 15%

de la capacité aux mains des citoyen.nes à horizon 2030, afin de les impliquer davantage dans la

définition du mix énergétique français.

Pour une Convention citoyenne de l’énergie

Le choix du mix énergétique de demain est déterminant dans les efforts que notre pays aura à

fournir pour atteindre ses objectifs climatiques. Un débat large, ouvert, pluriel, éclairé doit avoir lieu quant aux différents scénarios énergétiques possibles et aux tenants et aboutissants de chacun

d'entre eux.

Une convention citoyenne sur le modèle de la Convention citoyenne pour le climat, avec tirage au

sort, présentation des enjeux par des experts, groupes thématiques de réflexion et proposition

d'une feuille de route énergétique cohérente permettra de sortir des impasses partisanes et de

fédérer une grande partie de la population.

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