Ecole : le bilan lamentable de Jean-Michel BLANQUER

Publié le par Henri LOURDOU

École : le bilan lamentable

de Jean-Michel BLANQUER.

 

Alors que localement, dans les Hautes-Pyrénées où je vis, certains, notamment au niveau syndical, mobilisent toute leur énergie dans la dénonciation d'une "école parallèle" qui a eu le tort de se référer à la pédagogie Steiner, deux tribunes du "Monde" (daté 11-9-21) nous rappellent utilement le bilan du ministre ayant atteint la plus grande longévité à ce poste de la 5e République.

 

Car nous avons le triste privilège d'avoir une des Écoles d'Europe où l'échec scolaire, la ségrégation et les inégalités sociales de réussite sont les plus forts, tout en payant et formant ses enseignants le moins.

A ces maux, qui ne datent pas d'aujourd'hui, Jean-Michel BLANQUER n'a non seulement apporté aucun remède, mais il en a ajouté d'autres. Et ceci sans opposition construite ni argumentée, notamment de la part de syndicats de plus en plus marginalisés. Les uns se réfugiant dans la surenchère idéologique et le culte passéiste du "bon vieux temps", les autres dans la gestion à courte vue des carrières et le service individuel aux adhérents.

 

Des promesses non ou insuffisamment tenues

 

Le candidat Macron s'était fait fort de réduire l'échec scolaire en pratiquant le dédoublement des classes dans le primaire pour renforcer les apprentissages fondamentaux.

"Réalisée grâce à une démographie scolaire particulièrement favorable (le nombre d'écoliers a baissé de 255 000 de 2017 à 2021), la politique de dédoublement a manqué d'ambition. D'une part, elle ne concerne que les 300 000 élèves des CP et CE1 de l'éducation prioritaire, soit moins de 5% des écoliers. D'autre part, la majorité des élèves en difficulté sont scolarisés hors éducation prioritaire.(...) Enfin, en grande section de maternelle (GS), classe essentielle aux premiers apprentissages, le dédoublement demeure très limité.(...)

Par ailleurs, (...) le retour de la semaine à 4 jours dans 85% des écoles aboutit à des rythmes de travail surtout préjudiciables aux élèves en difficulté scolaire.(...)

Au collège (...) la politique des "devoirs faits" (dans l'établissement) n'a été l'objet d'aucune évaluation. (...) Le suivi des élèves est le plus souvent assuré par des Assistants d'Éducation peu ou non formés alors même que ce suivi nécessite une réelle expertise pédagogique. Depuis 2018, les moyens ministériels ont surtout été consacrés à recréer les classe européennes et bilangues ainsi que les options grec et latin dont bénéficient majoritairement les enfants des catégories aisées. Cette diversification de l'offre pédagogique a favorisé les stratégies de fuite des établissements populaires (et donc renforcé la ségrégation sociale et les inégalités de résultats entre établissements)." (Pierre MERLE in "Le Monde" daté 11-9-21, p 32)

Emmanuel Macron avait promis "de ne plus affecter aucun professeur en zone prioritaire pendant ses 3 premières années d'enseignement. Rien n'a changé dans ce domaine." Il avait également promis de valoriser "dans le parcours des enseignants" ceux qui , en zone prioritaire, proposeraient "des méthodes plus innovantes" : "On attend toujours des dispositions significatives allant dans ce sens". (Claude LELIÈVRE, ibid.)

 

Un discours et des actions réactionnaires

 

Dès lors, le discours moralisateur sur la "laïcité" et le "vivre-ensemble" (voir la campagne de publicité lancé à cette rentrée par le Ministère) tourne complètement dans le vide. D'autant plus qu'il est contredit par les déclarations stigmatisantes du Ministre lui-même sur la religion musulmane ou l'utilisation de l'Allocation de Rentrée Scolaire par les pauvres "pour acheter des écrans plats"(au mépris de toute réalité, et sans prendre la peine de s'excuser, une fois mis devant son mensonge).

 

Quant à la crise croissante du recrutement d'enseignants, non seulement elle n'est pas traitée, mais elle est renforcée par les mesures prises.

 

Concernant la revalorisation salariale : "En 2018, en France, après 15 ans d'ancienneté, le traitement brut annuel d'un professeur des écoles est près de 18% en-dessous de la moyenne européenne. A titre de comparaison, les professeurs allemands perçoivent un traitement près de deux fois supérieur à celui des enseignants français ! La situation des professeurs de lycée est comparable. Après 15 ans d'ancienneté, leur traitement est inférieur de plus de 20% à la moyenne européenne."

La mince revalorisation des débuts de carrière n'a en rien inversé cette situation. Qui plus est, pour pallier la crise de recrutement dans une matière comme les mathématiques, "la politique ministérielle a surtout consisté à supprimer cette discipline dans le tronc commun des lycées d'enseignement général (remplacée par "l'enseignement scientifique", qui peut aussi bien être dispensé par les professeurs de SVT et de physique-chimie)." (Pierre MERLE, ibid.)

Plus grave la décision de reporter les concours de recrutement de la fin du Master 1 à celle du Master 2 va renforcer la crise : "la réforme organise un parcours du combattant dissuasif", ceci à la seule fin de diminuer le nombre de fonctionnaires "en retardant d'un an la titularisation" et de diminuer les coûts afférents.

 

Un monde enseignant déboussolé et démobilisé

 

Face à ce véritable tsunami réactionnaire, le monde enseignant, autrefois vivier militant d'une gauche à l'offensive, s'est révélé travaillé par le confusionnisme et incapable de produire une réaction collective construite et argumentée.

C'est que les idées réactionnaires y pénètrent de plus en plus à la faveur de cette grande confusion qui a pris en otage certains mots "totems" comme "République" ou "Laïcité" pour répandre en fait les idées les plus anti-républicaines et anti-laïques qui soient : celles de l'identitarisme nationaliste, de la pauvrophobie et du racisme postcolonial.

Reprendre pied sur le sol d'une véritable gauche d'émancipation, selon le vocable proposé par Philippe CORCUFF, constitue un préalable de plus en plus urgent. Cela seul pourrait redonner quelque couleur et quelque lustre à un mouvement syndical enseignant bien mal en point.

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