Mathias ENARD Le banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs

Publié le par Henri LOURDOU

Mathias ENARD Le banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs

Mathias ÉNARD

Le banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs

Actes Sud,octobre 2020, 428 p.

 

J'avais adoré "La boussole", ce long monologue érudit et plein d'humour d'un orientaliste viennois vieux garçon et amoureux platonique au long cours d'une collègue. Puis apprécié la chronique des "Poches" tenue par ÉNARD dans "Le Monde des Livres", ses intérêts rejoignant souvent les miens.

Avec ce nouveau roman, je me retrouve en terrain un peu connu, ayant habité et travaillé dans les Deux-Sèvres pendant treize ans.

Je retrouve ce mélange d'érudition et de recul, et de clarté dans l'expression qui rendent celle-ci légère.

Je retrouve en même temps une forme de méditation sans tristesse ni ressentiment sur la fragilité et la relativité de la vie. Celle-ci prenant la forme de la métempsychose ou réincarnation – qui est aussi un procédé narratif commode pour voyager librement dans le temps.

Par contre, l'unité de lieu est fermement tenue : il s'agit d'un village fictif situé à mi-chemin de Niort et de Coulonges sur l'Autize, à proximité du Marais poitevin et de la Vendée. Une carte placée en tête de volume vient même préciser cette géographie bien réelle.

Cet ancrage est aussi culturel. D'autant que le héros principal est un jeune ethnologue venu étudier la ruralité contemporaine.

J'ai pensé bien sûr, tout au long de ma lecture, à cet éloquent défenseur de la culture populaire poitevine qu'est Yannick JAULIN -dont le dernier spectacle, vu au Festival international de journalisme de Couthures, m'a particulièrement enchanté.

Et ce notamment lorsque l'auteur rend compte d'un témoignage d'une victime d'une tentative de viol entièrement en langue poitevine (pp 335-337). Mais pas seulement, tant cette langue en voie de disparition, comme toutes celles liées à une ruralité agonisante, est arrimée dans les souvenirs de ses survivants.

Or donc, David Mazon, doctorant parisien en ethnologie vient passer un an sur le terrain pour nourrir la thèse qui doit lui ouvrir les portes de la gloire et d'une carrière universitaire.

Il est accueilli et introduit dans le village par le maire, entrepreneur en pompes funèbres.

Et celui-ci se trouve être l'organisateur du "banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs".

Celui-ci constitue le morceau central du livre, mais ce morceau de bravoure de tonalité rabelaisienne n'en constitue qu'une pièce rapportée.

Car l'objet réel du récit est bien la vie de cette petite collectivité rurale poitevine et son histoire proche et lointaine, à travers les réincarnations de ses différents personnages.

Et, in fine, la question de sa survie et de son renouveau dans le contexte pré-apocalyptique de l'effondrement de notre civilisation urbaine.

Une lecture plaisante, gourmande et pleine de sens.

Ou l'on rencontre prémonitoirement la lutte d'une partie du monde rural contre les super-bassines.

Publié dans écologie

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