Michel DESMURGET La fabrique du crétin digital

Publié le par Henri LOURDOU

Michel DESMURGET La fabrique du crétin digital

Michel DESMURGET

La fabrique du crétin digital

Les dangers des écrans pour nos enfants

(Points-Seuil, n° 5 289, octobre 2020, 560 p.

Avec une postface inédite de juillet 2020)

 

J'avais déjà rendu compte du livre concernant la télévision de 2011 de ce docteur en neurosciences et directeur de recherche à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale " établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle du ministère de la Santé et du ministère de la Recherche". https://www.inserm.fr/connaitre-inserm/inserm-en-coup-oeil ).

 

Avec ce nouvel essai, paru en 2019, il s'attaque aux effets de l'usage généralisé du numérique, avec la même intrépidité de qui ose "nager à contre-courant".

Car, une fois de plus, Michel DESMURGET, s'appuyant sur une synthèse des études scientifiques , va à l'encontre des intérêts dominants et de l'opinion commune sur le sujet.

 

On avait bien remarqué déjà que les patrons du numérique ne pratiquaient pas forcément la religion qu'ils préconisent en envoyant leurs enfants dans des écoles sans écran :

https://www.gacougnolle.com/bill-gates-steve-jobs-quand-les-patrons-de-la-silicon-valley-interdisent-les-ecrans-a-leurs-enfants/

 

Cela n'empêche pourtant pas les décideurs de vouloir nous faire communier dans ce nouvel évangile, comme le montre ce sommet de confusion d'une publicité récente de la Commission européenne ("Le Monde" daté 16-17 mai 2021, p 5) :

 

Michel DESMURGET La fabrique du crétin digital

Le mythe d'"homo mediaticus"

 

Elle participe ainsi de "la construction d'un mythe" : celui d' "homo mediaticus", un humain transformé en quasi-surhomme par l'usage précoce et intensif du numérique.

Les gens penchés sur le berceau du prétendu prodige sont légion.

Ils allient des motivations diverses : du vieux philosophe extatique devant les nouvelles générations comme Michel Serres et sa "petite poucette" aux mercantis servant les intérêts des GAFAM et assimilés, toute une palette d'intérêts converge dans un déni général doublé d'une euphorie pseudo-progressiste anesthésiante.

Donc, disons-le nettement, et avec une entière conviction, la réfutation du mythe par DESMURGET (pp 35-196) est convaincante. Il n'existe pas de "nouvelle génération d'êtres humains totalement différente des précédentes (...) (qui serait experte) dans le maniement et la compréhension des outils numériques." (p 43)

Et il n'y a aucune nécessité pour le système scolaire d' "impérativement s'adapter à cette révolution." (ibidem) Car si le système scolaire doit s'adapter impérativement à quelque chose, c'est, tout au contraire, à réparer les dégâts de l'usage compulsif et précoce des écrans.

Au final, à l'encontre de tous les malentendus et procès d'intention qui entourent cette question très controversée, il n'est ici nullement question de "refuser le Progrès", mais de le maîtriser en mettant à jour tous les intérêts en jeu et en déconstruisant les plaidoyers naïfs pour "toujours plus de numérique" comme celui de la Commission européenne cité plus haut.

 

Les effets réels des écrans

Comme pour la télévision, force est de constater l'incontestable avance des scientifiques anglo-saxons sur le sujet par rapport aux chercheurs francophones.

Le consensus scientifique n'en est pas moins , comme pour le climat (la comparaison n'est pas fortuite), établi.

Malgré la complexité des facteurs en jeu, il a été possible d'isoler l'influence négative des écrans sur le sommeil (c'est le facteur premier et primordial), sur le développement intellectuel, sur la santé, et in fine sur les résultats scolaires.

Le constat est sans appel : plus les usages augmentent, plus les méfaits s'étendent. Et, lié à cette augmentation des usages, d'incontestables formes d'addiction qui en rendent le contrôle plus difficile.

 

Que retenir en conclusion ?

 

Que l'apologie inconditionnelle et acritique du tout-numérique, et notamment à l'école, a un double effet contre-productif.

D'un côté elle justifie l'injustifiable : les pratiques anarchiques de type consumériste, dont les effets négatifs sur le développement des enfants a été amplement démontré.

Mais aussi, d'un autre côté, elle sème la confusion sur tous les usages et empêche de fait le déploiement d'un numérique scolaire raisonné et adapté à des fins vraiment pédagogiques.

Cette double évidence, longtemps niée, semble enfin commencer à être entendue comme le montre un avis récent (mai 2020) du Conseil scientifique de l'Education nationale (postface, pp 415-6).

Cependant, le poids des lobbies et des représentations qu'ils ont construites continue de s'exercer. (pp 432-5)

Et le confinement lié à la crise sanitaire a contribué à faire exploser l'usage incontrôlé du numérique "récréatif" (pp 436-46).

Et ce, alors que les études les plus récentes confirment la montée continue du temps passé devant les écrans : 4h44 par jour chez les 8-12 ans en 2019, contre 4h36 en 2015, et 7h22 chez les 13-18 ans, contre 6h40, avec une baisse concomitante de la lecture de livres et un usage des écrans centré sur la consommation et non la production de contenus (pp 418-9).

Citation : "(Un ) nombre croissant d'études (montre) que les comportements de multitasking associés aux incessantes sollicitations du monde numérique (notamment des réseaux sociaux) ancrent l'inattention et l'impulsivité cognitives au coeur non seulement de nos habitudes comportementales, mais aussi, plus intimement , de notre fonctionnement cérébral." (pp 328-9)

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